Sur la scène plongée dans une quasi-obscurité d'un théâtre de Beyrouth, un jeune homme est tapi derrière un baril, tandis qu'un autre pointe son arme factice sur le public enthousiaste.
Ces acteurs amateurs jouent une scène habituelle pour eux, natifs de Tripoli, la grande ville du nord du Liban régulièrement secouée par des violences.
Depuis des décennies, mais de manière répétée depuis le début en 2011 du conflit en Syrie voisine, les alaouites du quartier de Jabal Mohsen et les habitants du quartier majoritairement sunnite de Bab el-Tebbané s'affrontent.
Les premiers soutiennent le président Bachar al-Assad, membre lui aussi de cette communauté hétérodoxe issue de l'islam chiite, tandis que les seconds appuient la rébellion syrienne.
Régulièrement à Tripoli, jeunes ou vieux se positionnent ainsi sur les toits d'immeubles grêlés par les balles tandis que des draps tendus dans les rues sont censés protéger les passants des tireurs embusqués.
Même pendant les rares trêves, les habitants de ces quartiers évitent de s'aventurer chez l'"ennemi".
C'est avec ce conflit en toile de fond qu'une ONG et un metteur en scène ont réuni des jeunes des quartiers antagonistes, dont certains ont déjà fait le coup de feu, pour monter une pièce intitulée "Amour et guerre sur un toit : un conte tripolitain".
A l?initiative de "March", une ONG libanaise qui oeuvre au rapprochement des communautés, Lucien Bourjeily a travaillé quatre mois avec eux pour mettre en scène une histoire moderne où se mêlent idylle et réconciliation.
"Au début, j'étais vraiment hésitant car je n'appréciais pas du tout (de participer à un projet) avec des gars de Jabal Mohsen qui étaient tous à mes yeux des malfrats", confie à l'AFP Tarek Hebbaoui, 24 ans, du quartier de Bab el-Tebbané.
"Puis j'ai découvert que, comme chez nous, il y avait des gens bien à Jabal Mohsen", ajoute-t-il.
- 'Une famille'-
Ce "conte tripolitain" raconte l'histoire d'un metteur en scène qui essaie de créer une pièce dans laquelle Ali de Jabal Mohsen tombe amoureux d'Aïcha de Bab el-Tebbané.
A Beyrouth, la représentation a été ovationnée par un public debout : émus, les acteurs se sont étreints et certains avaient les larmes aux yeux.
"C'est le théâtre qui crée un espace commun où ils peuvent se réunir, parler, discuter", affirme Lucien Bourjeily.
"Nous sommes devenus une famille", raconte Ahmad Souleimane, 24 ans. "On s?assied ensemble, nous on descend à Bab el-Tebbané et eux montent chez nous (à Jabal Mohsen)".
Mais ce fut la pièce de tous les défis.
Les jeunes de Jabal Mohsen n'ont ainsi pas pu venir à la première réunion car la violence faisait rage à Bab el-Tebbané et, au cours de la deuxième, les 16 participants, dont quatre filles, ne se sont pas mélangés.
Mais quand, pour écrire la pièce, chacun a raconté son histoire, "ils ont découvert qu'ils se ressemblaient, qu'ils étaient confrontés aux mêmes problèmes, aux mêmes souffrances", assure Léa Baroudi, directrice de March.
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