Un Stradivarius volé il y a 35 ans a été rendu jeudi à New York aux trois filles de son propriétaire décédé, un heureux dénouement dû à la sagacité d'un expert qui avait alerté la police en juin.
Le violon "Ames", estimé à cinq millions de dollars par le procureur fédéral de Manhattan, appartenait au violoniste américain d'origine polonaise Roman Totenberg, décédé en 2012. Il avait été fabriqué en 1734 par le célèbre luthier italien Antonio Stradivari.
Le violon avait été volé en mai 1980 avec deux archets anciens, dont l'un fabriqué par le Français François Tourte, après un concert à la Longy School of Music à Cambridge, près de Boston. M. Totenberg en était à l'époque le directeur.
Selon sa fille Nina, journaliste couvrant la justice pour la radio américaine NPR, M. Totenberg avait été très affecté par la disparition de son "partenaire musical pendant 38 ans". Enfant prodige d'origine polonaise, il avait fait ses débuts en solo à l'âge de 11 ans avec l'orchestre philharmonique de Varsovie et avait émigré aux Etats-Unis en 1938. Il avait acheté le violon en 1943 et avait joué avec lui dans le monde entier.
"Notre seul regret c'est que notre père ne soit pas là aujourd'hui pour le voir", a déclaré Nina Totenberg lors de la cérémonie de restitution à New York.
M. Totenberg, décédé en 2012 à l'age de 101 ans, avait toujours soupçonné un autre violoniste, Phillip Johnson, aperçu le jour du vol près de son bureau, mais les autorités avaient estimé qu'elles n'avaient pas de quoi ordonner une perquisition au domicile du suspect, a-t-elle aussi expliqué.
Le 26 juin dernier, le précieux violon est réapparu dans un hôtel de Manhattan où l'ex-femme du violoniste soupçonné était venue rencontrer un expert luthier pour le faire estimer.
Elle avait trouvé le violon dans un grenier, parmi les biens que lui avait laissés son ex-mari, décédé d'un cancer en 2011.
Elle avait alors pris contact avec cet expert Phillip Injeian, de Pittsburgh (Pennsylvanie, est). Avant de venir à New York la rencontrer, il lui avait demandé des photos qu'il avait trouvées "plutôt bonnes", a-t-il expliqué jeudi. Et il avait appris, à travers ses recherches, que le Stradivarius de Roman Totenberg avait disparu.
- Un grand moment -
"J'ai ouvert l'étui, et j'ai regardé et vérifié l'instrument pendant plus d'une demi-heure avant de pouvoir parler", a-t-il ensuite raconté. "C'était un grand moment".
Et il a immédiatement appelé la police.
L'ex-épouse a expliqué qu'elle ignorait que le violon avait été volé, et a accepté de le restituer aux trois filles de Roman Totenberg.
"Aucune poursuite n'a été engagée", a précisé jeudi le procureur fédéral Preet Bharara, lors de la cérémonie dans ses locaux.
Le "Ames" tenait son nom du violoniste George Ames auquel il appartenait à la fin du 19e siècle.
M. Bharara s'est félicité de cet "heureux dénouement", en saluant le "sens civique de l'expert et la réponse rapide des autorités" qui ont permis la restitution du précieux instrument.
Ne jouant pas de violon, les trois filles de Roman Totenberg ont expliqué qu'elles avaient l'intention de le vendre, pour qu'un jour un autre "grand artiste enchante à nouveau des audiences de concerts dans le monde entier".
Sur les quelque 1.100 instruments fabriqués par Stradivari, environ 550 existent toujours dans le monde, a expliqué Phillip Injeian. Réputés pour leur qualité, ils se vendent parfois plusieurs millions de dollars. L'un d'eux, le "Lady Blunt", de 1721, s'était vendu à Londres 11 millions d'euros en 2011, lors d'enchères au profit des victimes du tsunami au Japon.
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