Des milliers de Palestiniens exultants ont vibré jeudi soir à Gaza au match de foot historique entre Al-Ahli et Chajaïya, une victoire aussi bien sur la division des territoires et le blocus israélien que sur les querelles inter-palestiniennes.
Entre le club al-Ahli d'Hébron, dans le sud de la Cisjordanie occupée, et Chajaïya, le club phare de la bande de Gaza, la rencontre représentait bien plus qu'un évènement sportif: une première depuis 15 ans entre des formations éloignées de 60 km par les airs, mais tenues à distance apparemment insurmontable l'une de l'autre par la politique et le territoire israélien qui sépare les Territoires.
Il fallait bien une telle partie pour enfiévrer Gaza, où les occasions de liesse collective et publique sont rares. A cinq shekels la place (1,3 USD), tout le monde n'a pas pu rentrer dans le stade en folie.
"Chajaïya, Chajaïya, pas peur de la mort", ont scandé les supporteurs locaux dans un tintamarre de tambours et de fumigènes. Mais du stade bouillant rempli d'hommes et d'adolescents sont aussi montés des "allez Al-Ahli, allez", exprimant peut-être une aspiration à la fraternisation des Gazaouis.
Parce que le football reste une religion pour les Palestiniens, une pluie de bouteilles d'eau s'est quand même abattue sur la pelouse quand Chajaïya s'est vu refuser un but en seconde mi-temps.
Par la force des choses, la Cisjordanie et la bande de Gaza disputent deux championnats distincts. Le vainqueur du match aller-retour entre Hébron et Chajaïya, premiers de leurs championnats respectifs, représentera la Palestine, membre de la Fifa depuis 1998, lors des compétitions régionales et internationales.
Mais pour le gardien de but d'Al-Ahli, Azmi Chweiki, il s'agit de plus que cela: "Le football a réussi là où les politiciens ont échoué: il rassemble le peuple", malgré la coupure géographique et les déchirements entre frères ennemis du Hamas - le mouvement islamiste qui contrôle Gaza - et de l'Autorité palestinienne, basée en Cisjordanie.
Pour Ahmed Mahajni, son coéquipier arabe israélien d'Al-Ahli, venir "pour la première fois" de sa vie dans la petite enclave côtière soumise depuis neuf ans au blocus israélien et coupée du monde depuis que l'Egypte a aussi fermé sa frontière, c'est "déjà une victoire" sur les entraves au mouvement des joueurs.
- Confrontés aux ravages de la guerre -
Pour rejoindre la bande de Gaza, Hébron a soumis (et obtenu) l'entrée de ses joueurs à l'approbation d'Israël. Mais les choses ne se passent pas toujours aussi bien. La Fédération palestinienne a récemment porté ces difficultés de déplacement devant la Fifa pour la convaincre, en vain, de suspendre la fédération israélienne.
Une fois arrivé, les sentiments qui ont envahi le capitaine Fadi Dweik étaient doux-amers. "On est heureux d'être ici et en même temps très tristes de voir les destructions" causées par la guerre de l'été dernier avec Israël, la troisième en six ans.
Chajaïya fut l'un des quartiers les plus ravagés par le conflit. Le stade Yarmouk lui-même a été en partie détruit par les avions de combat israéliens.
"On avait vu grâce aux médias les dégâts de la guerre, mais voir tout ça en vrai, c'est un autre sentiment, bien plus fort", assure Fadi Dweik. Son coéquipier Azmi Chweiki, lui, a été "impressionné par le sourire des gens malgré les conditions de vie".
Un an après le conflit qui a fait plus de 2.200 morts côté palestinien et plus de 70 côté israélien, ce match était "un message d'espoir envoyé à la Cisjordanie et à la bande de Gaza", veut croire Fadi Dweik.
Pour Salah Harazallah, président de Chajaïya, quel qu'ait été le résultat, "le but de ce match était de briser le siège imposé au sport gazaoui et il a été atteint quand al-Ahli est entré à Gaza".
Dans une chaleur écrasante, Hébron a déjoué les pronostics favorables à Chajaïya. La rencontre s'est achevée sur le score de 0-0. Retour dimanche. Ce jour-là, le vainqueur gagnera le droit "de porter les couleurs de la Palestine, toute la Palestine, en Asie", dit Azmi Chweiki.
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