A la tête d'une fastueuse parade navale en présence de chefs d'Etat dont le français François Hollande, le président Abdel Fattah al-Sissi inaugure jeudi l'élargissement du canal de Suez pour tenter de relancer une économie à genoux.
La cérémonie, annoncée comme grandiose par le Caire, risque cependant d'être éclipsée par une nouvelle atrocité du groupe jihadiste Etat islamique (EI), dont la branche égyptienne menace d'exécuter un jeune otage Croate travaillant pour une compagnie française. Au moment même où M. Sissi, l'ex-chef de l'armée qui a destitué il y a deux ans le président islamiste Mohamed Morsi et réprime implacablement toute opposition, veut rassurer touristes et investisseurs étrangers en proclamant un retour à la sécurité dans son pays.
Ouvert en 1869, le canal de Suez relie la mer Rouge et la mer Méditerranée. C'est l'une des routes essentielles pour le commerce mondial, notamment pour le transport du pétrole et les porte-conteneurs, et une source précieuse de devises pour l'Egypte, qui cherche à relancer une économie en crise depuis la révolte de 2011 qui chassa Hosni Moubarak du pouvoir.
L'expansion du canal représente l'un des grands travaux phares de M. Sissi qui, à peine élu en 2014, avait lancé en grande pompe ce projet comprenant l'ouverture d'une nouvelle voie doublant, sur 35 km, le célèbre canal long de 193 km, et l'élargissement et l'approfondissement d'un tronçon sur 37 autres kilomètres.
- Défilé de Rafale et F16 -
Le président égyptien avait donné un an à ses ingénieurs et ouvriers pour réaliser ce projet. Pari tenu, grâce à une souscription de quelque 8,2 milliards de dollars qui a attiré de nombreux particuliers et entreprises égyptiens.
M. Sissi devrait ouvrir sur le canal, à Ismaïlia, la parade navale à bord d'un élégant yacht qui appartenait autrefois à la famille royale et avait transporté l'impératrice française Eugénie, l'épouse de Napoléon III, lors de l'inauguration du canal en 1869, après une décennie de travaux pilotés par Ferdinand de Lesseps.
"Invité d'honneur" de la cérémonie, M. Hollande devrait ensuite admirer en vol les trois premiers avions de combat français Rafale vendus à l'étranger, que l'Egypte vient d'acheter.
Ces appareils --l'Egypte en a commandé 24 au total-- vont ouvrir un défilé aérien, flanqués par huit F16 récemment livrés par le grand allié américain. La frégate multimissions FREMM également récemment achetée à la France, devrait être l'un des clous du spectacle.
L'émir du Koweït et le roi du Bahreïn figurent parmi les personnalités attendues, comme les présidents palestinien et du Yémen, ou les Premiers ministres russe Dmitri Medvedev et grec Alexis Tsipras.
- Un Croate menacé d'exécution -
La nouvelle voie doit permettre de doubler le trafic à l'horizon 2023, assure le Caire. A cette date, quelque 97 navires emprunteront le canal quotidiennement contre 49 actuellement, promet l'autorité du canal.
La nouvelle artère permettra la circulation dans les deux sens, réduisant de 18 à 11 heures le temps d'attente des bateaux, et doit faire passer les revenus du canal de 5,3 milliards de dollars (environ 4,7 milliards d'euros) attendus en 2015 à 13,2 milliards de dollars (11,7 milliards d'euros) en 2023, toujours selon les autorités.
Pour M. Sissi, toujours avide d'une reconnaissance occidentale qui a quelque peu tardé quand il a destitué M. Morsi --premier président démocratiquement élu en Egypte--, ce "nouveau canal" vise aussi à assoir sa légitimité sur la scène internationale. Il présente la nouvelle artère comme "le cadeau de l'Egypte au monde".
La popularité de M. Sissi est très grande au sein d'une population égyptienne lassée par quatre années de chaos. Mais les défenseurs des droits de l'Homme jugent son régime -qui réprime dans le sang l'opposition islamiste et muselle toute dissidence libérale et laïque-, plus répressif que celui de Moubarak.
En représailles à cette répression, l'Egypte est le théâtre de nombreux attentats visant essentiellement l'armée et la police, perpétrés par des groupes jihadistes, dont la branche locale de l'EI "Province du Sinaï".
Ces jihadistes, qui ont déjà décapité des Egyptiens dans le Sinaï, ont menacé mercredi d'exécuter sous 48 heures un Croate de 30 ans, Tomislav Salopek, enlevé non loin du Caire en juillet, si le gouvernement ne libère pas "les femmes musulmanes" emprisonnées.
L'exécution de ce père de deux enfants travaillant pour la compagnie française d'exploration pétrolière CGG, que de nombreux experts en sécurité redoutent imminente, changerait la donne pour M. Sissi en effrayant les touristes qui boudent déjà le pays des pharaons mais aussi les nombreuses entreprises étrangères présentes en Egypte.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousA lire aussi
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.