La Russie a revendiqué mardi devant les Nations unies la souveraineté sur plus d'un million de kilomètres carrés dans l'Arctique, qui recèle vastes réserves d'hydrocarbures, revenant à la charge avec de nouvelles preuves près de quinze ans après le rejet d'une première requête.
Cette demande devrait accélérer la course aux revendications dans cette région inhabitée mais riche en ressources naturelles, que se disputent depuis des années la Russie, les États-Unis (avec l'Alaska), le Canada, la Norvège et le Danemark (avec le Groenland).
Dans sa requête déposée devant la Commission de l'ONU travaillant sur les limites du plateau continental, Moscou fait valoir qu'au vu des recherches scientifiques, elle devrait avoir la souveraineté sur 1,2 million de kilomètres carrés supplémentaires dans l'Arctique.
L'ONU avait réclamé à Moscou en 2001, après une première demande des autorités russes jugée recevable, d'apporter davantage de preuves pour appuyer sa revendication.
Le droit de la mer fixe actuellement la zone économique exclusive d'un pays à 200 milles marins (environ 370 km) de ses côtes, lui donnant la souveraineté dans cette zone pour en exploiter les ressources. Au-delà, les eaux sont considérées juridiquement comme étant internationales.
Un pays a toutefois le droit de revendiquer l'extension de sa zone économique exclusive au-delà des 200 milles traditionnels, et jusque dans une limite de 350 milles, en faisant entrer en ligne de compte, études géologiques à l'appui, les limites de son plateau continental qui s'étend sous les eaux.
La Russie a ainsi mené plusieurs expéditions scientifiques polaires d'envergure pour collecter des données devant prouver que les limites du plateau continental russe dans l'Arctique s'étendent bien au-delà de ses limites actuelles.
Et en 2007, une expédition a effectué une plongée record dans les profondeurs de l'océan Arctique, plantant symboliquement à cette occasion un drapeau russe en titane au fond des eaux polaires, à la verticale exacte du pôle Nord géographique.
- Gigantesques ressources -
Les revendications de Moscou s'étendent jusqu'au pôle Nord et comprennent une partie de la dorsale de Lomonossov, également revendiquée par le Danemark et le Canada, ainsi que celle de Mendeleïev, considérée par la Russie comme étant partie intégrante du continent eurasiatique.
Si sa demande était reconnue comme légitime, elle donnerait potentiellement à la Russie l'accès à des réserves d'hydrocarbures d'un total de 4,9 milliards de tonnes, selon le gouvernement russe.
En outre, la fonte des glaciers pourrait ouvrir de nouvelles routes maritimes pour le commerce pendant l'été dès 2050, selon certaines études scientifiques.
Le Canada, la Norvège et le Danemark ont eux aussi organisé au cours des dernières années des missions scientifiques dans l'Arctique pour cartographier les fonds marins et étayer leurs revendications, déposées devant la commission des Nations unies.
"La fonte des glaciers dans l'Arctique met à nu une mer nouvelle et vulnérable, mais certains pays comme la Russie et la Norvège veulent la transformer en future Arabie saoudite. A moins d'agir, cette région pourrait se voir remplie de plateformes pétrolières et de flottes de navires de pêche", a dénoncé mardi l'ONG Greenpeace.
Mais au-delà de ses revendications territoriales, la Russie met l'accent depuis plusieurs années sur cette région stratégique, tant du point de vue économique que militaire.
Vladimir Poutine a ainsi ordonné en début d'année la mise en place d'une commission spéciale pour développer les projets économiques dans l'Arctique, tandis que des manoeuvres militaires d'ampleur s'y sont multipliées.
La doctrine militaire navale russe a également été modifiée en juillet pour mettre l'accent sur l'importance stratégique de la zone, avec notamment le développement de la Flotte du Nord. Dès 2008, le Kremlin avait validé une stratégie pour faire de la Russie "la principale puissance de l'Arctique" d'ici à 2020.
Selon Viktor Pospelov, un des scientifiques russes qui a participé à la préparation du dossier présenté par Moscou, la demande russe a un statut prioritaire puisqu'elle s'appuie sur une requête déjà déposée en 2001 et devrait être examinée en février. Les données fournies par Moscou seront ensuite étudiées pendant au maximum trois ans.
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