Deux semaines après l'attentat de Suruç qui a bouleversé la donne en Turquie, rien ne semble arrêter le cycle de représailles meurtrières entre la guérilla kurde du PKK et l'armée turque, plaçant les partisans du dialogue dans une situation de plus en en plus intenable.
Le président Recep Tayyip Erdogan a une fois de plus affiché sa détermination lundi quant à une poursuite de l'offensive antikurde. "La Turquie procèdera à des opérations militaires aussi longtemps qu'elle le jugera nécessaire", a-t-il martelé.
Un point de non-retour risque d'avoir été franchi avec l'attaque suicide la veille au tracteur piégé contre une gendarmerie de l'est qui, de source officielle turque, a provoqué la mort de deux soldats et en a blessé 31 autres.
Elle a été revendiquée par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui a fait état "de plus de 50 soldats tués" dans cette attaque ayant eu pour but de "venger" la mort de civils irakiens dans des raids aériens turcs contre des bases de la rébellion.
Le mouvement a publié le nom et une photo du "martyr" qui a réalisé l'opération, le visage dissimulé par un foulard et posant devant le drapeau du PKK.
De nouveaux assauts de la rébellion ont en outre été signalés lundi, dont ceux d'un hôpital et d'un convoi militaires qui n'auraient pas fait de victimes. Une autoroute de l'est de la Turquie a été fermée "pour empêcher des attaques terroristes".
L'armée affirme avoir tué plus de 260 combattants dans ses bombardements contre les bases rebelles nichées dans les montagnes du nord de l'Irak qui auraient contraint l'état-major du PKK à se scinder en trois groupes, en Irak, en Syrie et en Iran.
Ces raids ont provoqué ce week-end la mort d'au moins dix civils, ont assuré des sources kurdes, des accusations démenties par l'armée mais qui donnent une raison supplémentaire au PKK d'amplifier ses attaques sur le sol turc.
Ce cycle de violences, qui a mis fin à trois années de trêve, a été déclenché par l'attentat suicide survenu le 20 juillet à Suruç (sud), dans lequel 32 jeunes militants de la cause kurde ont trouvé la mort. Il a été attribué au groupe Etat islamique (EI) mais la guérilla kurde a aussitôt répliqué contre les forces de l'ordre turques, accusées de ne pas protéger la population locale.
- Pris en tenailles -
Deux semaines plus tard, le jeune leader prokurde de Turquie Selahhatin Demirtas, fervent partisan du dialogue pour régler un conflit qui a fait plus de 40.000 morts en 30 ans, se retrouve dans une situation très inconfortable.
Il est considéré avec sa formation, le HDP, comme le grand vainqueur des législatives du 7 juin, ayant privé du même coup le parti islamo-conservateur au pouvoir AKP de la majorité absolue au Parlement.
Depuis, selon l'opposition, M. Erdogan n'a de cesse de vouloir l'affaiblir en vue d'un scrutin anticipé qui permettrait à l'AKP de regagner le terrain perdu.
"Demirtas est pris en tenailles entre l'AKP et le PKK", résumait lundi le journal à grand tirage Hurriyet.
Accusé par le pouvoir de condamner trop mollement les attaques de la rébellion, montré du doigt pour l'engagement de son frère dans les rangs du PKK, M. Demirtas pourrait perdre l'électorat modéré qui lui a fait confiance.
Dimanche, il a dit vouloir "clarifier les choses" en appelant le PKK à cesser "immédiatement" ses attaques. "L'Etat a le droit de se défendre", a-t-il ajouté. Il a demandé à la rébellion et au pouvoir de renouer le dialogue, car la Turquie "se rapproche rapidement d'une violente tempête".
M. Demirtas a accusé le président turc de faire de "l'esbroufe" à l'intention des Occidentaux en prétendant vouloir lutter contre les jihadistes de l'EI, alors que ses visées seraient de pure politique intérieure.
Des pourparlers se poursuivent entre l'AKP et le parti social-démocrate CHP pour la formation d'un gouvernement de coalition. Mais la presse table sur un échec, souhaité par M. Erdogan, qui conduirait à de nouvelles législatives en novembre.
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