La mort d'un lion au Zimbabwe lors d'une partie de chasse d'un dentiste américain met en exergue la façon dont les médias sociaux ont transformé internet en jungle virtuelle.
Amateur de chasse aux trophées animaliers de prestige, Walter Palmer est le dernier cas d'une longue liste de personnes --célèbres ou non-- qui ont été publiquement, sans pitié, jetées en pâture au monde entier sur Twitter et Facebook, qui s'apparentent désormais à la place du village du 21e siècle.
"Il doit être extradé, inculpé et de préférence pendu" pour avoir tué le lion Cecil du parc national Hwange au Zimbabwe, a tweeté l'association de défense des droits des animaux PETA.
La twittosphère a été envahie de messages souhaitant notamment que le riche américain brûle en enfer, soit lapidé, torturé ou encore jeté aux lions, le hashtag #Cecilthelion étant l'un des plus populaires de la semaine. De nombreux appels également pour son extradition vers le Zimbabwe, qui souhaite le juger.
"La disgrâce publique à travers les réseaux sociaux est clairement la façon dont les gens dans notre société +punissent+ de manière informelle ceux qui ne respectent pas les règles, même si les règles de la société ne sont pas des lois", a indiqué à l'AFP Lori Brown, professeur de sociologie au Meredith College, en Caroline du Nord (sud-est des Etats-Unis).
"C'est comme une mise au pilori en public et, tout comme ce type de punition, certains se satisfont simplement de la ridiculisation de la personne, mais d'autres peuvent vouloir lui lancer des choses dessus ou même la blesser", a-t-elle souligné.
Certains se sont retrouvés entre les fourches Caudines des internautes en découvrant, de manière violente, que l'humour ne passe pas très bien dans un tweet de 140 caractères.
"Départ pour l'Afrique. J'espère ne pas attraper le sida. Je plaisante. Je suis blanche!", avait écrit sur Twitter une responsable de la communication d'une société américaine, prénommée Justine, avant de s'envoler pour l'Afrique du Sud en 2013.
- 'Trublion' -
La plupart de ses 174 abonnés étaient des amis, et elle se présentait sur son profil comme une "sorte de trublion" avec un "rire puissant".
Elle est devenue en quelques instants la risée du monde entier, submergée par un tsunami de tweets l'éreintant, qui n'a fait qu'amplifier et qu'elle a découvert à l'arrivée de son vol de 11 heures, s'empressant de s'en excuser.
Des entreprises et des organisations caritatives se sont jointes à la curée et, selon une estimation, Google aurait encaissé 468.000 dollars grâce au trafic généré sur internet. La jeune femme a perdu son emploi.
"Vous pouvez mener une bonne vie éthique mais une mauvaise phraséologie dans un tweet peut tout engloutir", a relevé Jon Ronson, auteur britannique de "So you've been publicly shamed" (Donc vous avez été publiquement disgracié), lors d'une conférence à Londres en juin.
D'une certaine façon, internet a ravivé une forme médiévale d'humiliation publique, une tradition dans la puritaine vie coloniale américaine du 17e siècle.
La différence est que les vexateurs peuvent aujourd'hui humilier en restant anonymes, cachés derrière un pseudonyme. Plus besoin de se rendre sur la place du village pour rejoindre une foule revancharde.
Pour le professeur d'études environnementales Jennifer Jacquet de l'université de New York, la réprobation publique a des avantages car elle permet de faire évoluer la politique et la réforme sociale. Mais elle se demande si 2015 n'est pas l'année où ce procédé a atteint son zénith.
"Nous avons cet empilement de victimes où on se dit +hum, peut-être qu'on a été un peu trop loin+", a-t-elle dit à l'AFP.
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