Une ombre apeurée de l'autre côté des barbelés: adossé à un mur, les yeux fermés, c'est un migrant de Calais, qui tente d'échapper aux gendarmes, dans la nuit vendredi à samedi, à l'intérieur du site d'Eurotunnel.
Il retient son souffle, dans l'espoir que le fourgon marine qui roule dans sa direction, gyrophare allumé, poursuivra sa route sans le repérer. Peine perdue: le véhicule s'immobilise à son niveau, près d'un petit bâtiment qui lui sert de cachette.
Une demi-douzaine d'hommes en descendent, rangers, gilet jaune fluo, lampes-torches. L'homme traqué, lui, semble s'être volatilisé.
Les gendarmes fouillent partout: autour du bâtiment, au sol, dans les fourrés. Là où s'arrêtent les rayons orange pâle du seul lampadaire des environs.
"Allez sors de là, toi ! J'ai dit sors !", crie soudain l'un d'eux en direction d'un fossé.
Le clandestin déploie mollement sa longue silhouette dans l'obscurité, puis son visage se dessine sous le faisceau d'une lampe. Il n'a pas 20 ans.
Quatre personnes qui l'accompagnaient sont également interceptées, puis regroupées dans le calme, sans menottes mais avec autorité, jusqu'à l'arrivée d'une camionnette blanche banalisée. Elle les reconduira à l'extérieur.
Ces migrants, qui vivent à plusieurs centaines dans un bidonville de Calais, à 7 km de là, espéraient, comme chaque nuit, se cacher dans un train pour rejoindre l'Angleterre via le tunnel sous la Manche.
- Cri de désespoir -
Ce vendredi soir, il font partie des chanceux, ou des plus débrouillards, ayant réussi à franchir les clôtures qui entourent les voies d'embarquement.
Première condition pour cela: éviter, à l'extérieur, les patrouilles de gendarmes, de CRS et de sécurité d'Eurotunnel, qui effectuent un premier écrémage parmi les centaines d'hommes, de femmes et d'enfants qui tentent de s'introduire chaque soir.
Mieux vaut alors agir seul ou par tous petits groupes pour se cacher plus facilement.
La nuit, dans la brume, les abords du site semblent déserts. Mais en ouvrant l??il, on aperçoit un migrant derrière un poids lourd, un autre recroquevillé contre une glissière métallique, un troisième allongé dans un bosquet sombre. Ils attendent le bon moment pour attaquer la clôture.
Deux solutions: passer par-dessus en dépit des barbelés "lames de rasoir", la plupart des migrants étant pour cela équipés de gants et de vêtements épais ou trouver une faille, un endroit abîmé où d'autres sont déjà passés: la grille regorge de trous rafistolés.
Une fois de l'autre côté, le plus dur commence. Il faut à nouveau échapper aux patrouilles, éviter le passage des trains qui vont et viennent toute la nuit, et trouver une cachette dans un wagon, où les contrôles sont nombreux.
"Tant que le train n'est pas parti, tu ne peux pas dire que c'est gagné, même si tu es bien caché", raconte Tesfai, un migrant érythréen de 29 ans, déjà parvenu à deux reprises à se faufiler à l'intérieur du site.
Toute la nuit, les forces de l'ordre balaient le terrain à coup de lampes-torches. "Y a pas un trou, là-bas dans le grillage ?", s'interroge un gendarme mobile. Il s'approche, mais ne trouve rien.
De temps à autre, un gyrophare, une sirène, puis un cri: un migrant qui se fait intercepter. Il hurle de rage autant que de désespoir.
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