Le Pakistan a annoncé jeudi un report des pourparlers de paix prévus sur son sol entre Kaboul et les talibans au lendemain de l'annonce de la mort de leur chef suprême, le mystérieux mollah Omar, qui risque de plonger les rebelles islamistes dans une véritable "crise existentielle".
Les insurgés afghans sont restés muets jeudi sur le sort de leur chef, dont les autorités de Kaboul ont annoncé mercredi la mort dans de "circonstances mystérieuses" en avril 2013 à Karachi, au Pakistan, tout en se distanciant du second round de processus de paix initialement prévu ce vendredi au Pakistan.
Dans un communiqué, les insurgés ont soutenu "ne pas avoir été informés" de la tenue de ces discussions dont le Pakistan a annoncé le report sine die en raison de "l'incertitude" causée par la mort du mollah Omar et "à la demande de la direction des talibans afghans", suggérant ainsi que les rebelles islamistes étaient bien au fait de ces pourparlers.
"Le Pakistan et les autres pays amis de l'Afghanistan espèrent que la direction des talibans continuera à s'engager dans les pourparlers de paix afin d'en arriver à une paix durable en Afghanistan", a souligné le ministère pakistanais des Affaires étrangères, accusant, sans les nommer, des "forces mal intentionnées" de vouloir faire capoter ce processus de réconciliation.
Les autorités afghanes ont longtemps accusé le Pakistan de téléguider les talibans, en lutte contre les forces de l'Otan et leurs alliés afghans, ou de "garder sous la main" des cadres de la rébellion afin de les utiliser à un moment jugé opportun par Islamabad.
Mais début juillet le Pakistan a plutôt joué les entremetteurs en organisant à Murree, cité touristique sur les hauteurs de la capitale Islamabad, une première rencontre officielle entre des cadres talibans et des représentants du gouvernement de Kaboul afin de mettre sur les rails de véritables pourparlers de paix.
- 'Crise existentielle' -
L'annonce du décès du discret mais respecté mollah Omar ouvre "plus qu'auparavant" la voie à des discussions de paix et s'offre comme une "occasion" à saisir pour "l'ensemble des groupes d'opposition armés", avait suggéré mercredi la présidence afghane. Mais jeudi des responsables reconnaissaient quelques ennuis pour la suite du dialogue.
"La mort du mollah Omar devrait retarder les pourparlers de paix, mais elle n'y mettra pas fin", a déclaré Mohammad Natiqi, qui avait participé au premier round de discussions au sein de la délégation afghane.
Et des analystes demeuraient sceptiques sur la reprise rapide du dialogue entre Kaboul et les insurgés afin de stabiliser un pays endeuillé par près de 14 années consécutives de guerre et confronté à une escalade des violences après le départ, en décembre dernier, de l'essentiel des forces de l'Otan.
L'annonce du décès du mollah Omar risque d'accentuer les lignes de fractures au sein des talibans, déjà divisés sur les pourparlers de paix et menacés par l'émergence de la branche locale de l'organisation Etat Islamique (EI), groupe jihadiste qui tente d'étendre en Afghanistan son califat proclamé sur des pans de la Syrie et de l'Irak.
"Les pourparlers () ont certainement perdu leur élan", a déclaré à l'AFP Michael Kugelman, spécialiste de l'Afghanistan au centre de recherche Woodrow Wilson à Washington. "L'annonce de la mort d'Omar va provoquer une crise existentielle chez les talibans et les pourparlers de paix sont la dernière chose qu'ils auront en tête. Ils devront se concentrer sur leur survie, pas sur les pourparlers", a-t-il ajouté.
Depuis plusieurs mois, des commandants talibans sur le terrain exigeaient des "preuves de vie" de leur chef dont les communications se résumaient récemment à des messages probablement écrits en son nom par d'autres dirigeants de la rébellion. Sans preuve concrète, certains d'entre eux avaient déjà quitté les rangs des talibans pour plaider allégeance à sa rivale islamiste de l'EI, définitivement opposée à tout dialogue de paix.
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