La mort annoncée du chef des talibans afghans, le mollah Omar, risque de pousser de nombreux jihadistes de la région dans les bras du groupe Etat islamique (EI), qui souhaite étendre en Afghanistan son "califat" déjà proclamé sur une partie du Moyen-Orient, estiment des analystes.
Depuis le début de l'année, les talibans afghans sont confrontés à la défection de commandants, désabusés par le leadership du très discret mollah Omar, dont les services secrets afghans ont annoncé mercredi la mort il y a deux ans au Pakistan, et séduits par le "chant des sirènes" du chef de l'EI, Abou Bakr al-Baghdadi.
Cette organisation jihadiste a réussi là où les talibans échouent depuis une décennie, en prenant le contrôle d'un territoire qui s'étend sur des pans de l'Irak et de la Syrie, y proclamant un "califat", terme qui fait revivre l'idée d'un grand Etat réunissant l'ensemble des musulmans.
Début janvier, une dizaine d'ex-commandants talibans ont ainsi fait allégeance collectivement à l'EI, qui les a ensuite nommés à la tête de sa branche du Khorassan, région réunissant le Pakistan et l'Afghanistan, berceau historique des talibans et d'Al-Qaïda.
En juin des heurts sanglants ont opposé les talibans et leurs nouveaux ennemis islamistes dans l'est et le sud de l'Afghanistan, où les Etats-Unis ont multiplié les frappes de drones mortelles contre des chefs locaux de l'EI.
"S'ils n'arrivent pas à voir de futur dans le mouvement (taliban, ndlr), s'ils sont en désaccord avec les pourparlers de paix et la question de la réduction de l'influence du Pakistan, certains combattants pourraient quitter les rangs des talibans", explique à l'AFP Rahimullah Yusufzai, expert pakistanais de la mouvance talibane régionale.
La direction des talibans avait donné son approbation tacite à des pourparlers de paix, amorcés début juillet au Pakistan, pays accusé par l'EI de contrôler les talibans afghans en les poussant aujourd'hui à opter pour le dialogue plutôt que la poursuite du jihad.
- Guerre de propagande -
Qui succèdera au mollah Omar? Quel sera son ascendant sur les commandants? Optera-t-il pour le rameau d'olivier ou la kalachnikov? Saura-t-il contenir la progression de l'EI? Avant même que ces questions commencent à fuser, les groupes jihadistes rivaux mènent une autre guerre, de propagande, pour avancer leurs pions.
L'EI a ainsi publié récemment une "fatwa" (édit) qui affirmait, avant l'annonce des autorités afghanes, que le mollah Omar était mort et que les talibans de la région Pakistan/Afghanistan devaient faire allégeance à son chef Abou Bakr al-Baghdadi.
La fatwa présente le mollah Omar comme un "nationaliste" afghan, intéressé par la seule prise du pouvoir à Kaboul, et non par la création d'un califat mondial, et joue sur la généalogie de Baghdadi, qui dit descendre de la tribu arabe du prophète Mahomet, les Qureshis.
"Il (Abou Bakr al-Baghdadi) est l'imam de l'époque (), tandis que le mollah Omar ne fut qu'un jour, au mieux, un ancien chef d'une des nombreuses terres d'islam", poursuit l'EI, qui a aussi diffusé une vidéo glaçante d'un de ses membres présumés égorgeant un "traître" dans la province afghane de Nangarhar.
Dans cette de guerre de propagande, les talibans sont peu armés. Le mollah Omar, qui n'avait pas été vu publiquement depuis la fin 2001, avait cessé ses messages audios il y a quelques années déjà.
Et les derniers discours qui lui sont attribués, comme celui de l'Aïd el-Fitr, à la mi-juillet, ont été vraisemblablement écrits par d'autres membres de la rébellion, qui souhaitaient sans doute tirer profit de sa notoriété.
- Une 'bénédiction' pour l'EI -
"Ces mensonges () causeront des difficultés aux talibans dans leurs propres rangs", estime Waheed Muzhda, un analyste afghan proche des cercles islamistes.
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