Les agriculteurs allemands sont solidaires de leurs homologues français, car ils souffrent souvent des mêmes maux, mais agacés par les tentatives d'incriminer l'Allemagne et les remèdes envisagés par Paris.
Les producteurs français, surtout de viande et de lait, sont mobilisés depuis une semaine pour protester contre les prix trop bas.
Si les manifestations prennent un tour spectaculaire qu'elles connaissent rarement en Allemagne, avec barrages routiers ou détournements de camions étrangers, "les agriculteurs français et allemands ont les mêmes problèmes", assurait lundi un des dirigeants de la puissante fédération agricole allemande DBV, Udo Hemmerling.
A savoir l'écroulement de la demande en provenance de Russie du fait de l'embargo en vigueur depuis l'an dernier, sur fond de crise ukrainienne; la perte de vitesse de la croissance en Chine, débouché crucial; et la pression exercée par le secteur de la distribution. S'y ajoute dans le secteur du lait la fin des quotas européens qui ont longtemps permis de plafonner la production.
Le facteur "Russie" pèse pour beaucoup en Allemagne, qui y exportait beaucoup avant l'embargo, notamment du fromage. Et la pression exercée par la distribution est particulièrement forte, avec une concentration poussée du secteur, un poids important des discounters et une clientèle peu disposée à mettre la main au porte-monnaie pour son alimentation.
- Salaire minimum -
Pour toutes ces raisons, "la fédération allemande comprend tout à fait les revendications des professionnels français, et demande d'ailleurs la même chose", assure le DBV. De premières manifestations de producteurs allemands de lait ont eu lieu vendredi et d'autres sont prévues pour début septembre.
Mais le secteur agricole allemand s'irrite d'être en première ligne dans les critiques des professionnels français.
Depuis plusieurs années, les accusations de concurrence déloyale fusent contre une Allemagne aux exploitations géantes - héritage à l'est des coopératives d'Etat de la RDA communiste -, aux gigantesques abattoirs fonctionnant grâce à la main-d'oeuvre bon marché d'Europe de l'Est.
Ces accusations de dumping social ont resurgi, et lundi en Alsace des barrages empêchaient le passage des camions de produits agroalimentaires en provenance d'Allemagne.
Mais pour M. Hemmerling, la critique sur les coûts du travail "n'est plus justifiée, depuis l'introduction du salaire minimum".
Le secteur de la viande applique depuis l'an dernier à ses 80.000 salariés, y compris ceux employés par des sous-traitants et des prestataires, un salaire minimum (brut) actuellement de huit euros de l'heure, et qui doit grimper à 8,75 euros fin 2016.
L'industrie de la viande s'était dépêchée d'adopter ce mécanisme avant l'entrée en vigueur cette année en Allemagne du salaire minimum généralisé de 8,50 euros de l'heure.
Les producteurs de fruits et légumes, qui ont recours pour les récoltes d'asperges ou de pommes à des saisonniers payés nettement moins, ont obtenu un délai de grâce mais devront s'aligner à terme sur ce salaire, une perspective qui les inquiète énormément.
- "Incompréhensibles" -
Le DBV fait également valoir qu'au jeu du commerce agroalimentaire bilatéral, la France est gagnante : à 5,6 milliards d'euros d'exportations allemandes vers la France ont correspondu l'an dernier six milliards d'importations - du vin, des fromages, des produits de boulangerie et de la viande.
"L'Allemagne est l'un des plus gros clients des produits laitiers français", assurait lundi la fédération allemande de l'industrie laitière MIV. Cela rend pour elle "d'autant plus incompréhensibles" les blocages à la frontière.
La fédération s'est d'ailleurs tournée vers Bruxelles pour contester ces actions, dans un courrier adressé lundi à la Commission européenne, a indiqué à l'AFP son directeur général Eckard Heuser. Elle critique aussi les annonces faites par le ministre français Stéphane Le Foll la semaine dernière en vue de soutenir les producteurs laitiers.
M. Le Foll a indiqué vendredi, à l'issue d'une réunion avec producteurs, industriels et distributeurs, avoir obtenu un accord de toutes les parties pour un prix minimum et pour "favoriser la production française".
"Autant nous comprenons le courroux des agriculteurs au vu des prix trop bas, autant des mesures anticoncurrentielles ne peuvent pas constituer le remède", argue la MIV, pour laquelle l'appel de M. Le Foll à "ne pas favoriser les importations" revient de facto à "un boycott des produits allemands". "C'est inacceptable", tempête M. Heuser, mais "ce sera à la Commission de décider si elle ouvre une enquête".
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