Patrick Drahi, propriétaire de SFR, Libération et l'Express et patron d'Altice, a convaincu Alain Weill de lui vendre NextRadioTV (BFMTV, RMC), groupe audiovisuel indépendant qui sera désormais adossé à la troisième fortune de France, rebattant les cartes dans l'audiovisuel français.
Après des négociations rapides, les deux patrons, self-made men quinquagénaires qui se connaissent depuis près de 20 ans, ont annoncé lundi qu'ils lanceraient prochainement une OPA d'environ 595 millions d'euros sur le groupe, soit trois fois son chiffre d'affaires. Elle sera financée principalement par Patrick Drahi, qui poursuit ainsi sa rafale d'acquisitions dans les télécoms et les médias.
Dans un premier temps, ces deux outsiders du gotha français des affaires se partageront le capital de NextRadioTV, mais d'ici mars 2019, Patrick Drahi pourra en racheter la totalité.
NextRadioTV sera ainsi, comme la quasi-totalité des grands médias français, aux mains d'un grand industriel, à l'instar de TF1 (Bouygues), Le Monde (trio Niel-Pigasse-Bergé), Canal+ (Bolloré), Le Parisien et Les Echos (LVMH) ou M6 et RTL (l'allemand Bertelsmann).
Patrick Drahi va recruter Alain Weill comme nouveau patron mondial de ses activités médias, pour lesquelles il affiche de grandes ambitions.
Le fondateur de NextRadioTV va devenir membre du comité de direction du groupe de télécoms et de médias Altice mais pilotera aussi "l'ensemble des activités médias d'Altice, en France comme à l'international", au sein d'une filiale dont il sera actionnaire à 24%. Elle sera chargée d'investir à l'international, "où les perspectives de croissance sont nombreuses", précise Altice dans un communiqué.
C'est un virage à 180 degrés pour Alain Weill, 54 ans, entrepreneur très attaché à son indépendance, qui assurait ne pas vouloir vendre le groupe qu'il a créé de toutes pièces en 2000. NextRadioTV regroupe RMC, BFMTV ainsi que les chaînes RMC Découverte et BFM Business.
Mais, malgré des résultats en hausse l'an dernier, NextRadioTV restait fragile, dans un marché publicitaire toujours morose, face à des concurrents comme TF1 ou M6 adossés à d'énormes groupes capables de financer leur développement.
A la recherche de relais de croissance, Alain Weill vient d'ailleurs de conclure le rachat de la chaîne Numéro 23 pour 88 millions d'euros, une opération suspendue au feu vert du CSA.
- L'empire de Drahi -
Les analystes ont bien accueilli ce nouveau tandem. "Cela permet d'envisager de nouvelles perspectives pour NextRadioTV, en lui donnant des capacités d'investissement en France comme à l'international", a commenté Jérôme Bodin, chez Natixis. "Et cela va permettre d'accompagner le groupe Altice dans son internationalisation. On assiste à un rapprochement progressif entre les télécoms et les médias, avec la nécessité pour les groupes télécoms d'avoir des contenus exclusifs", a-t-il dit.
Ce rachat important dans l'audiovisuel marque aussi une nouvelle étape de l'expansion en France de Patrick Drahi, 51 ans, qui a acquis en juin 2014 Libération, en février 2015 L'Express et une douzaine d'autres magazines, et vient de jeter son dévolu sur l'hebdomadaire spécialisé Stratégies.
De nationalité franco-israélienne, l'homme d'affaires, troisième fortune de France, détient aussi la chaîne israélienne d'information en continu i24news et le groupe israélien de télévision et de téléphonie mobile Hot.
La presse n'est qu'une partie mineure d'Altice, l'empire télécom international forgé en quelques années par ce polytechnicien expert de la finance, essentiellement par endettement. Il a racheté depuis 18 mois SFR, Portugal Telecom et l'américain Suddenlink, pour quelque 20 milliards d'euros en tout. Il n'a pas réussi en revanche à mettre la main sur Bouygues Télécom.
Pour l'instant, ses titres de presse écrite ne seront pas intégrés dans la filiale médias que pilotera Alain Weill, mais pourraient la rejoindre à terme, selon une source proche du dossier.
De quoi créer des synergies intéressantes, souligne Nicolas Reffait, du cabinet d'analyses BearingPoint, qui travaille pour les deux groupes: "Le groupe L'Express apparaît faible sur la vidéo, ce qui pénalise son activité publicitaire, et le site BFMTV.com pourrait être meilleur sur l'écrit" et améliorer sa visibilité.
Le nouvel ensemble "rapprocherait des activités qui, prises indépendamment, peuvent présenter des perspectives de croissance faibles, mais qui, réunies et bien orchestrées, sont réellement prometteuses", conclut-il.
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