Cinq clowns dans le métro et, en surface, un catcheur: à Mexico, ces héros d'un nouveau genre combattent les incivilités des voyageurs et des automobilistes, misant sur l'humour pour adoucir le quotidien de cette mégalopole.
Le wagon est bondé mais les clowns se faufilent avec aisance entre les passagers qui ne se doutent de rien. Soudain, ils se lancent dans une chorégraphie, entre grimaces et cris de singe, s'amusant à se jeter les uns sur les autres. Pour les accompagner, un banjo, un ukulélé, des cymbales et une pancarte : "c'est mieux sans se bousculer".
Dans les rues chaotiques de la capitale mexicaine, c'est un jeune homme de 28 ans, portant un masque de catcheur noir et blanc, orné d'un petit bonhomme vert et d'une cape cousue par sa grand-mère, qui joue les justiciers : Peatonito (petit piéton) s'est donné pour mission de protéger les passants face à la circulation infernale.
Sa méthode? Faire reculer, en poussant sur le pare-chocs, les voitures qui empiètent aux feux sur les passages piétons. Intimidés ou amusés, les conducteurs finissent par enclencher la marche arrière.
Il dessine aussi avec une bombe de peinture les passages manquants selon lui, quand il ne grimpe pas carrément sur les véhicules garés sur les trottoirs, même si sa mère l'implore d'arrêter cette pratique.
"Les piétons sont contents car ils ont enfin quelqu'un qui les défend", raconte Peatonito, Jorge Canez de son vrai nom. "Nous vivons dans une dictature de l'automobile, dans cette ville. Le piéton est vulnérable et jamais avant on n'avait lutté pour ses droits, jusqu'à ce qu'il y a quelques années, des activistes s'y mettent".
Les clowns de l'association Claustrofobos (Claustrophobes) et Peatonito appartiennent à un récent mouvement de lutte contre les incivilités dans une mégalopole qui compte 21 millions d'habitants, quatre millions de voitures et cinq millions d'usagers quotidiens du métro.
- Les feux rouges? 'Indicatifs' -
En 2013, une trentaine d'associations ont créé la Ligue des piétons pour défendre leurs droits. Sur les réseaux sociaux, des groupes diffusent les photos des voitures garées sur les trottoirs ou aux places réservées aux handicapés.
Car à Mexico, une pièce d'identité et 704 pesos (46 dollars) suffisent pour obtenir son permis. On raconte, en souriant, que les feux rouges ne sont qu'"indicatifs".
Sous terre, la situation n'est guère meilleure, entrer ou sortir des wagons du métro se résumant souvent à un match de rugby.
Derrière Claustrofobos, il y a six diplômés en philosophie, déterminés à défendre la civilité dans le métro.
"Nous pensons qu'informer à travers l'art et la culture est plus agréable", explique le co-fondateur de l'association, Aldo Giordano, employé de 27 ans d'une société de production dans le cinéma.
La municipalité leur a donné un million de pesos (65.000 dollars) pour créer la troupe, réaliser une étude et un court-métrage.
Pendant leur représentation dans le métro, certains passagers n'ont pas levé le nez de leur téléphone, mais beaucoup ont réagi en souriant et en prenant des photos, ravis de ce spectacle inhabituel.
Une clown, perruque frisée sur la tête, a simulé un évanouissement en tenant dans ses bras ce qu'elle appelait son "bébé", un sac recouvert d'un foulard, se moquant ainsi de la paresse des passagers assis quand il s'agit de laisser la place.
"Il n'y a plus de gentlemen comme avant. Avant ils cédaient les places aux dames et maintenant non, ils font semblant de dormir pour ne pas laisser leur place à une femme ou une personne âgée", se plaint Susana Hernandez, femme au foyer de 53 ans qui a assisté à la représentation.
Avec humour, les clowns persuadent les passagers stationnant sur le côté gauche de l'escalator d'aller à droite pour laisser les autres passer. Ils redonnent le sourire aux vendeurs et acheteurs de tickets, aux guichets.
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