Deux soldats turcs ont été tués samedi dans le sud-est à majorité kurde de la Turquie, dans la foulée des frappes aériennes turques contre les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui ont signé la fin de la trêve qui tenait depuis 2013.
Cette brusque escalade de la tension entre le gouvernement islamo-conservateur turc et les rebelles kurdes de Turquie intervient alors qu'Ankara est résolument passé à l'offensive contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI), en frappant à plusieurs reprises ses positions en territoire syrien.
Tard samedi soir, une voiture piégée a explosé dans le district de Lice, près de la grande ville à majorité kurde de Diyarbakir (sud-est), à l'arrivée d'un convoi de gendarmes appelé à un carrefour pour un feu de voiture. "Deux militaires ont été tués et quatre blessés", a annoncé dimanche le bureau du gouverneur.
Cette attaque n'a pas été revendiquée dans l'immédiat, mais elle porte la marque du PKK, en rébellion depuis 1984 contre les forces de sécurité turques.
Quelques heures avant l'attentat de Lice, le mouvement kurde a solennellement menacé de rompre le fragile cessez-le-feu qu'il a proclamé unilatéralement en 2013. En cause, la vague de bombardements ordonnée par les autorités turques sur les bases arrière du mouvement dans le nord de l'Irak.
A partir de vendredi soir, les chasseurs-bombardiers F-16 turcs ont mené plusieurs raids contre des installations, camps, hangars et dépôts de munitions du PKK dans les monts Kandil, dans l'extrême nord du territoire irakien. Ces opérations ont fait 1 mort et 3 blessés dans les rangs du PKK, selon l'organisation.
"Les conditions du maintien du cessez-le-feu ont été rompues", ont proclamé les Forces de défense du peuple (HPG), l'aile militaire du PKK, sur leur site internet, "face à ces agressions, nous avons le droit de nous défendre".
- 'Tensions' -
Le régime du président Recep Tayyip Erdogan a engagé à l'automne 2012 des discussions de paix avec le chef emprisonné du PKK, Abdullah Öcalan, pour tenter de mettre un terme à la rébellion qui a fait 40.000 morts depuis 1984. Ces négociations n'ont abouti à aucun accord.
"Le cessez-le-feu semble terminé", a commenté le professeur David Romano, de l'université d'Etat du Missouri (Etats-Unis). "Sous couvert d'une offensive contre le groupe Etat islamique, le gouvernement a déclaré une guerre à toutes les organisations terroristes", a-t-il dit à l'AFP. "Je soupçonne qu'il vise plus le PKK que l'EI".
Le gouvernement turc a ordonné ces frappes après une série d'attaques contre ses forces de sécurité attribuées ces derniers jours à des militants proches du PKK.
Le mouvement séparatiste kurde a ainsi revendiqué mercredi l'assassinat de deux policiers dans la ville de Ceylanpinar (sud-est), à la frontière avec la Syrie. Il l'a présenté comme une riposte à l'attentat suicide de Suruç (sud), attribué au groupe EI, qui a fait lundi 32 morts et une centaine de blessés parmi des militants de la cause kurde.
La communauté kurde de Turquie accuse le gouvernement de soutenir les jihadistes, ce qu'Ankara a toujours démenti.
Les autorités turques ont rejeté la responsabilité de la situation sur le PKK. "La terreur et la violence exercées par le PKK ont empoisonné le processus de paix", a déclaré le vice-Premier ministre Yalçin Akdogan.
De son côté, le principal parti kurde de Turquie a mis en cause la stratégie de la tension suivie par M. Erdogan. "Son but est de mettre le feu au pays afin d'obtenir les pleins pouvoirs", a déploré le Parti démocratique des peuples (HDP).
Depuis lundi, la tension est vive dans de nombreuses villes de Turquie, où les manifestations dénonçant la politique syrienne du président Erdogan sont quasiment toutes réprimées par la police. Samedi soir, 300 personnes ont encore été dispersées à Ankara par des canons à eau, a constaté un journaliste de l'AFP.
Par souci d'apaisement, le principal parti kurde de Turquie a annulé la grande "marche pour la paix" antijihadiste prévue pour dimanche à Istanbul et interdite par le gouverneur.
Depuis vendredi, les autorités turques ont mené un coup de filet sans précédent contre des militants supposés du groupe EI, du PKK et de l'extrême gauche dans plusieurs villes du pays, dont Istanbul et Ankara. Selon le bilan officiel, 590 personnes ont été arrêtées et placées en garde à vue.
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