Contre toute attente, les médecins de Vincent Lambert, tétraplégique en état végétatif, ne se sont finalement pas prononcés jeudi sur l'arrêt des soins de leur patient: ils ont invoqué implicitement des pressions extérieures les empêchant de se décider dans la "sérénité".
Selon les proches de Vincent Lambert, réunis pour ce qui devait être un ultime conseil de famille dans une ambiance particulièrement tendue, les médecins souhaitent saisir la justice pour que soit désigné un représentant légal de leur patient.
Si sa femme Rachel est depuis l'accident de Vincent Lambert son référent matrimonial et patrimonial et l'interlocutrice privilégiée des médecins pour les différentes décisions d'arrêt des soins, elle n'est pas son référent légal. Vincent Lambert n'a en effet pas de tuteur légal.
"Les médecins du CHU vont demander au procureur de Reims de nommer un référent, qui ne peut être qu'extérieur à la famille au vu du contexte très conflictuel", selon le neveu François Lambert.
"Lors de la réunion, les médecins très tendus nous ont signifié que la décision d'arrêt des traitement ne pouvait désormais relever de la médecine vu les menaces et les pressions qu'ils subissaient les empêchant de travailler sereinement", a-t-il ajouté.
"Les conditions de sérénité et de sécurité nécessaires à la poursuite" de la procédure collégiale engagée pour décider du sort de Vincent Lambert, "tant pour (lui) que pour l'équipe soignante, ne sont pas réunies", a expliqué le CHU, qui a donc décidé de suspendre la procédure collégiale qui devait aboutir à une décision d'arrêt des soins.
Sur l'internet, des sites avaient relayé des appels à l'enlèvement et la séquestration des médecins ou de Vincent Lambert lui-même.
La ministre de la Santé Marisol Touraine a apporté "tout son soutien à l'équipe soignante" et souligné qu'elle n'a "pas pris cette décision parce qu'elle refuse d?arrêter le traitement", () mais parce qu'elle considère que les conditions de sécurité et de sérénité nécessaires pour mettre en ?uvre ce type de décision ne sont pas réunies."
"L'évaluation de Vincent Lambert a conduit à constater que la situation clinique était comparable à celle qui avait été rapportée par les experts mandatés par le Conseil d'Etat", a d'ailleurs noté l'hôpital dans son communiqué.
La Cour européenne des droits de l'Homme avait donné, le 5 juin dernier, son feu vert à un arrêt de l'hydratation et de l'alimentation du patient, jugeant comme la justice française que la poursuite des traitements relèverait de l'"obstination déraisonnable".
- Les larmes de Rachel Lambert -
Ses proches, en conflit ouvert sur la question, se sont retrouvés à 14H00 à l'hôpital de Reims, où est soigné l'ancien infirmier psychiatrique de 38 ans, qui souffre de lésions cérébrales irréversibles depuis un accident de la route en 2008.
Depuis deux ans, ils s'opposent par tribunaux interposés ou dans les médias sur le sort de leur époux, fils ou frère, dont le dossier a rouvert le débat sur la fin de vie en France.
"Je suis dans l'incompréhension totale, la cour européenne et le Conseil d'Etat s'étaient prononcés et j'espérais la fin de ce parcours judiciaire", a déclaré en larmes, hagarde devant les journalistes, Rachel Lambert, qui peinait à trouver ses mots.
Les parents de Vincent Lambert, sortis avant elle, se sont exprimés devant la presse acclamés par un comité de soutien.
"C'est un grand soulagement et si on demande une protection pour mon fils cela prouve bien qu'il est vivant", a déclaré Viviane Lambert.
"J'espère que le procureur va demander son transfert dans un autre hôpital pour sa sécurité et celle des équipes médicales", a estimé David Philippon, son demi-frère.
Une cinquantaine de personnes étaient rassemblées non loin de l'hôpital pour soutenir les parents, catholiques convaincus farouchement opposés à l'arrêt des soins.
Pour Rachel Lambert, son épouse, son neveu François et une grande partie des frères et s?urs, Vincent Lambert était opposé à tout acharnement thérapeutique et n'aurait jamais voulu être maintenu artificiellement en vie.
Des propos corroborés par des camarades de promotion, qui ont remis fin juin à l'hôpital de Reims quelque 13 témoignages en ce sens.
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