L'Assemblée nationale a adopté mardi soir la disposition phare du projet de loi sur le droit des étrangers, l'instauration d'un titre de séjour pluriannuel, lors d'un débat qui a permis à la droite de poursuivre son offensive contre la politique migratoire du gouvernement.
Le titre de séjour pluriannuel, d'une validité de deux à quatre ans, sera accordé après un premier titre d'un an et permettra d'éviter aux étrangers en règle "une dizaine de passages par an en préfecture", selon le rapporteur du texte, Erwann Binet (PS). Ses titulaires pourraient ensuite demander la carte de résident de dix ans.
Le même article du projet de loi créé aussi le titre "passeport-talents", de quatre ans, qui remplacera la multitude de titres existants pour les étrangers qualifiés ou ayant une compétence particulière (artistes, scientifiques, sportifs).
Les députés ont également approuvé mardi une modification des conditions d'entrée des étrangers venant se faire soigner en France.
La législation actuelle permet à un étranger de venir en France bénéficier d'un traitement médical dont "l'absence" dans son pays pourrait entraîner pour lui "des conséquences d'une exceptionnelle gravité". La disposition votée mardi lui donne le droit de venir non seulement si le traitement est absent chez lui, mais s'il ne peut y pas avoir accès "effectivement". Elle maintient la notion "d'exceptionnelle gravité".
Par ailleurs, ce ne sera plus un médecin de l'Agence régionale de santé (ARS) qui donnera l'avis médical nécessaire à l'entrée sur le territoire de l'étranger malade, mais un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Offi), une mesure qui a suscité des inquiétudes chez les écologistes et certains socialistes.
- Opposition frontale -
La gauche a voté ces deux dispositions, tandis que Les Républicains ont voté contre.
Depuis le début des débats lundi, Les Républicains s'opposent frontalement à une gauche "immigrationniste" (Guillaume Larrivé) et d'un "angélisme stupide" (Eric Ciotti), défendant un "contre-projet" axé sur une "réduction de l'immigration". Des attaques auxquelles ont systématiquement répondu la gauche et le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.
"Vous remplissez parfaitement le cahier des charges qui vous a été assigné" par Nicolas Sarkozy, a lancé Bernard Cazeneuve à la droite. "Vous avez décidé de courir après le Front national", a-t-il déploré, dénonçant les "fantasmes", alors que le Front de gauche André Chassaigne se disait "désespéré" par certains amendements de la droite.
Un des angles d'attaque des Républicains a été la restriction du regroupement familial qui, a connu "une augmentation de 55%" depuis 2011, a affirmé Guillaume Larrivé, en faisant référence au seul regroupement familial d'étrangers entrés irrégulièrement en France mais s'y étant ensuite intégrés, qui a concerné quelque 15.000 personnes en 2010, 23.000 en 2013 et 18.500 l'an dernier, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur.
Selon ces données mises en ligne durant le débat, l'ensemble du regroupement familial, au sens large, est passé de 84.000 personnes en 2010 à 88.000 en 2014, le regroupement "stricto sensu" (conjoint et enfants d'étrangers en situation régulière) restant stable autour de 14.000 personnes par an.
Au total, "il est faux de dire que ces chiffres ont augmenté de manière spectaculaire", a déclaré M. Cazeneuve.
La France accueille environ 200.000 nouveaux immigrants réguliers chaque année, soit 0,3% de sa population, un des chiffres les plus faibles de l'OCDE selon le ministre.
Les députés ont par ailleurs adopté les articles prévoyant un renforcement de la formation linguistique des étrangers arrivant en France. En conséquence, l'étranger devra pour obtenir la carte de résident de 10 ans (délivrée après cinq ans de présence) avoir un niveau A2 (communication simple) et non plus A1 (niveau découverte).
Pour faciliter la vie des familles bi-nationales, les députés ont aussi adopté un amendement PS permettant la délivrance de plein droit du visa long séjour aux étrangers conjoints de Français.
L'Assemblée doit reprendre mercredi soir l'examen en première lecture du texte, en examinant les mesures relatives aux étrangers en situation irrégulière, pour une adoption d'ici la fin de la semaine. Le texte sera examiné à la rentrée par le Sénat.
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