Violences, boycott et participation en berne: le président burundais Pierre Nkurunziza s'acheminait mardi vers un troisième mandat controversé, au terme d'une élection lourde de menaces pour l'avenir de ce petit pays des Grands lacs marqué par une longue guerre civile.
Fin avril, sa candidature à un troisième mandat, jugée anticonstitutionnelle par l'opposition, l'Eglise catholique et la société civile, a mis le feu aux poudres. Elle a suscité une contestation populaire, matée au bout de six semaines d'une brutale répression policière. Un coup d'Etat a été déjoué et des violences armées ont éclaté dans la capitale et le nord du pays.
Mardi, alors que la crise a déjà fait 80 morts et poussé plus de 160.000 Burundais à se réfugier dans les pays voisins, le scrutin s'est ouvert dans un climat délétère. La nuit précédente, plusieurs grenades ont explosé et de nombreux tirs ont longuement retenti à Bujumbura. Un policier a été tué et un civil - cadre local d'un parti d'opposition selon sa formation - a été retrouvé mort dans des circonstances indéterminées.
L'élection s'est déroulée dans le calme mais dans une ambiance empreinte de méfiance et d'inquiétude.
Dans de nombreux bureaux de vote, les gens effaçaient l'encre de leur doigt à la sortie de l'isoloir par peur de représailles de la part des partisans du boycott. "Je ne veux pas retourner dans mon quartier avec de l'encre sur le doigt", confiait une électrice de Gihosha, dans le nord-est de la capitale. Mais certains confiaient aussi subir des intimidations de partisans du pouvoir pour aller voter.
Le président Pierre Nkurunziza, 50 ans, imperturbable, a accompli son devoir électoral en affichant sa décontraction. Fan de ballon rond et protestant "born again" prosélyte, il s'est rendu en vélo et vêtu d'un jogging bleu orné de l'écusson de son équipe de football au bureau de vote de son village natal de Buye (nord).
Le dépouillement a commencé dans l'essentiel des bureaux à 16H00 (14H00 GMT), heure de clôture officielle du scrutin. Le président de la Commission électorale, Pierre-Claver Ndayicariye, indiqué à l'AFP que les résultats ne seraient pas proclamés avant 48 heures.
Après la très large victoire - sans surprise - du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, aux législatives et communales du 29 juin, déjà boycottées par l'opposition, celle de Pierre Nkurunziza à la présidentielle fait peu de doute.
L'opposition appelait au boycott, jugeant que le troisième mandat de M. Nkurunziza, élu en 2005 et 2010, viole la Constitution et l'Accord d'Arusha, dont la signature a permis la fin de la guerre civile qui fit 300.000 morts entre 1993 et 2006.
- 'Pluralisme de façade' -
Outre trois candidats issus de petites formations réputées alliées au pouvoir, M. Nkurunziza affrontait son principal opposant Agathon Rwasa, qui a contesté à l'avance la légitimité du scrutin. Trois autres candidats de l'opposition (dont les deux anciens chefs de l'Etat Domitien Ndayizeye et Sylvestre Ntibantunganya) figuraient sur les bulletins bien qu'ils se soient retirés de la course en dénonçant "une mascarade".
"Malgré un pluralisme de façade, il s'agit d'une élection à un seul candidat dont les Burundais connaissent déjà l'issue", a commenté Thierry Vircoulon, de l'International Crisis Group.
Quelque 3,8 millions de Burundais étaient appelés aux urnes, mais à Bujumbura comme en province, la mobilisation mardi semblait globalement inférieure à celle des législatives du 29 juin, selon le constat de plusieurs journalistes à travers le pays.
Le président de la Commission électorale a nié ce reflux apparent, estimant qu'à l'exception d'une "plus faible affluence à Bujumbura et (dans la province de) Bururi" (sud-ouest du pays)" la participation était sensiblement la même" qu'aux législatives. Il a dit tabler sur un chiffre comparable (74%).
Dans plusieurs bureaux de Bujumbura, des procès-verbaux vierges étaient signés par les assesseurs avant même le début du dépouillement, a constaté un journaliste de l'AFP. Selon la radio nationale, le président d'un bureau de la province de Bujumbura rural été remis à la police après avoir été surpris en train de bourrer une urne.
Sûr de sa victoire, M. Nkurunziza va retrouver un Burundi divisé, isolé sur la scène internationale et privé d'une aide extérieure cruciale alors qu'il figure parmi les dix pays les moins développés au monde.
Les Etats-Unis ont estimé mardi que cette présidentielle "pas crédible" discréditait "davantage" le gouvernement. Didier Reynders, ministre belge des Affaires étrangères, a "regretté" l'organisation de ces élections et rappelé que la Belgique, important partenaire du Burundi, allait "réexaminer sa coopération" avec son ancienne colonie.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousA lire aussi
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.