Le scandale de maquillage de comptes dans lequel s'est lui-même piégé le conglomérat industriel Toshiba révèle les arcanes de la culture d'entreprise au Japon où la structure hiérarchique et la collusion sont les maîtres-mots.
QUESTION: Qu'est-il reproché aux patrons démissionnaires de Toshiba ?
REPONSE: L'actuel PDG et deux de ses prédécesseurs depuis 2008 sont accusés d'avoir poussé leurs subordonnés à jongler avec les chiffres pour minimiser les dépréciations d'actifs et autres enregistrements comptables négatifs, ce afin d'afficher des résultats financiers proches des objectifs visés pour rassurer les actionnaires et banques.
"La culture d'entreprise de Toshiba est telle qu'il n'est pas bon d'aller contre les souhaits de la direction", a écrit le comité d'experts chargés de faire la lumière sur ces erreurs intentionnelles, révélant ainsi un trait profond de la civilisation japonaise où les subordonnés suivent sans rien dire les demandes de leurs supérieurs, même à contre-coeur.
Q: N'y-avait-il pas de moyens de se rendre compte plus tôt de ces irrégularités ?
R: C'est aussi un des points soulevés par le comité d'experts qui souligne que les mécanismes sur ce plan étaient inexistants ou défaillants, un problème qui est souvent montré du doigt par les étrangers à l'égard des sociétés nippones.
Ces dernières ont tendance à fonctionner sans remise en cause interne ni regard externe. Pour tenter d'y remédier, le code de gouvernance a été récemment amendé afin de forcer les sociétés à accueillir plus d'administrateurs extérieurs (au moins deux), ce dans le but d'éviter les clans internes.
Q: Pourquoi n'y-a-il jusqu'à présent pas eu d'enquête officielle des autorités compétentes, alors même que cette affaire dure depuis avril ?
R: C'est souvent le cas au Japon. Les entreprises, éventuellement alertées par des commissaires aux comptes ou autres spécialistes sur des possibles inexactitudes, effectuent dans un premier temps un audit interne, avant la nomination si nécessaire, par l'entreprise elle-même, d'un comité indépendant chargé de désigner des coupables. Ensuite seulement, selon la gravité des faits révélés, le gendarme des transactions financières et la Bourse de Tokyo peuvent décider de diligenter leur propres investigations et imposer des sanctions.
Q: Le cas Toshiba est-il isolé ?
R: Il y a eu des précédents de dissimulations de pertes, le cas le plus mémorable de ces dix dernières années étant Olympus, dont les dirigeants avaient caché pendant deux décennies plus d'un milliard d'euros de pertes résultant de placements hasardeux qui ont viré au fiasco après l'éclatement de la bulle financière au début des années 1990. Les patrons ont écopé de peines de prison avec sursis.
Un autre cas, celui du portail internet Livedoor, avait aussi alerté sur les ambitions démesurées de jeunes loups de l'internet, résultant en une chute spectaculaire des valeurs à la Bourse de Tokyo précédemment rendue euphorique par l'envolée des start-up. Le dirigeant, Takafumi Horie, une idole de la jeunesse branchée, a purgé une peine de prison de près de deux ans.
De façon générale, tous ces scandales montrent une collusion en haut-lieu difficile à briser de l'extérieur mais qui finit parfois par éclater au grand jour à la faveur de revanches internes et de fuites organisées dans la presse.
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