Des centaines d'éleveurs en colère contre la faiblesse des prix d'achat de leur production continuaient lundi dans la soirée à bloquer les routes d'accès à Caen et au Mont-Saint-Michel, réclamant la venue du ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, qui a dit attendre jeudi pour les recevoir à Paris.
Le blocage des deux principales voies d'accès au Mont Saint-Michel (Manche), l'un des sites touristiques les plus visités de France, se poursuivait lundi vers 22 heures, a-t-on appris auprès de la préfecture et des gendarmes, qui ont indiqué que les éleveurs devraient rester sur place au moins toute la nuit.
Quelque 400 agriculteurs, selon les gendarmes et un éleveur sur place, ont bloqué avec des tracteurs lundi après-midi les routes menant au parking du Mont, laissant toutefois repartir les visiteurs. Une action "symbolique, pacifique, pour que les prix remontent" et faire comprendre au ministre de l'Agriculture que "la pression agricole ne va pas céder", a indiqué Jean-Baptiste Mainsard, un manifestant.
L'objectif, selon M. Mainsard était également d'appuyer l'action des éleveurs normands qui, selon les gendarmes, bloquaient toujours vers 22h30 - et depuis 06h15 -les accès à la ville de Caen, réclamant la venue de M. Le Foll. Celui-ci leur a proposé de les recevoir jeudi à Paris, quand il aura pris connaissance du rapport que le médiateur des prix, qu'il a désigné, doit lui remettre mercredi à 17H00.
Le président de la FDSEA du Calvados Jean-Yves Heurtin a indiqué lundi soir que les éleveurs resteraient mardi "sur les mêmes blocages, c'est aux pouvoirs publics de bouger maintenant".
"On reste sur notre position, on veut un ministre de terrain", avait-il dit plus tôt dans la journée.
"Le dialogue ne peut pas fonctionner ainsi", a réagi le Premier ministre, Manuel Valls. "La porte du bureau du ministre de l'Agriculture est ouverte en permanence, Stéphane Le Foll va au contact régulièrement des éleveurs, mais là, il s'agit de trouver d'abord des solutions concrètes et précises pour les filières", a-t-il dit.
Pour Samuel Bidert, responsable des Jeunes Agriculteurs (JA) du Calvados, les éleveurs "ont besoin d'y voir clair". "Nous, on connaît les prix à la sortie de nos fermes et les prix aux consommateurs mais, entre les deux, chaque intermédiaire fait sa marge, sauf l'éleveur", a-t-il expliqué.
Le rapport du médiateur est très attendu car depuis la conclusion mi-juin par toute la filière d'un accord visant à augmenter les prix payés aux producteurs de viande bovine, ceux-ci n'ont pas significativement augmenté.
Les éleveurs de porcs subissent une crise similaire depuis plusieurs mois et 400 exploitations bretonnes seraient au bord du dépôt de bilan, selon la FNSEA. Le ministère de l'Agriculture estime que 20.000 exploitations, soit 10% des éleveurs, sont en difficulté.
Le médiateur doit comprendre qui des industriels ou des distributeurs freine les hausses de prix convenues.
- "Le pot aux roses" -
La grande distribution désigne ouvertement les industriels. "Nous avons accepté d'augmenter les prix d'achat de manière importante () Visiblement cet argent ne va pas dans la poche des éleveurs", a déclaré sur iTÉLÉ Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (qui regroupe les principales enseignes sauf Leclerc et Intermarché).
"Aux termes de la loi, la GMS (les grandes et moyennes surfaces) peut vérifier si les industriels respectent l'accord de hausse" et, de même, "si un industriel dit avoir du mal à répercuter la hausse aux distributeurs, le médiateur peut intervenir", a expliqué le président de la Fédération nationale bovine, Jean-Pierre Fleury. Lui aussi attend mercredi: "on va découvrir le pot aux roses".
L'économiste et président de l'observatoire des prix, Philippe Chalmin, juge "facile", dans un entretien lundi au Figaro, de désigner la grande distribution, "bouc émissaire idéal", mais ce n'est pas si simple.
Le mouvement de protestation a semé la pagaille lundi sur le réseau routier normand, les grands axes à destination de Caen étant fermés aux poids lourds .
Dans l'Eure, des éleveurs ont bloqué lundi les abattoirs du Neubourg et trois grandes surfaces et prévoyaient de bloquer mardi les principaux accès d?Évreux.
Le mouvement a aussi fait tache d'huile dans la Sarthe, où lundi soir, quatre péages d'autoroute autour du Mans étaient bloqués par des éleveurs contrôlant le contenu des camions frigorifiques, selon les JA. "Il y a du monde, tout le monde sort, il y a une telle complexité sur nos exploitations que les gens sont plus que révoltés", a affirmé à l'AFP David Bourdin, président des JA de la Sarthe, affirmant qu''une centaine d'éleveurs étaient présents sur chacun des péages.
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