Le président tchadien déchu Hissène Habré a été amené lundi de force au tribunal spécial de Dakar, à l'ouverture de son procès pour crimes contre l'humanité, qui doit servir d'exemple pour la justice en Afrique.
Ce procès, ouvert peu après 10H00 (locales et GMT) devant les Chambres africaines extraordinaires (CAE), tribunal spécial créé par l'Union africaine en vertu d'un accord avec le Sénégal, a été ajourné en milieu d'après-midi à mardi matin.
M. Habré, 72 ans, en détention depuis deux ans au Sénégal, où il avait trouvé refuge après avoir été renversé par l'actuel président Idriss Deby Itno, est poursuivi pour "crimes contre l'humanité, crimes de guerre et crimes de torture". La répression sous son régime (1982-1990) a fait 40.000 morts, selon les estimations d'une commission d'enquête tchadienne.
Le prévenu, qui refusait de comparaître, a été conduit de force dans le box des accusés par des gardes pénitentiaires, lors d'un incident déclenché juste avant l'ouverture de l'audience par ses partisans, qui ont scandé des slogans hostiles à la Cour et ont été évacués.
En boubou et turban blancs, chapelet de prière à la main, il a levé le poing, fustigeant "l'impérialisme", et crié "Allah akbar" (Dieu est le plus grand).
A l'extérieur du palais de justice, des manifestants ont défilé derrière une banderole libellée "Justice pour les victimes de Hissène Habré".
Après une interruption de séance, l'accusé a refusé de revenir devant la Cour, qui l'a sommé par voie d'huissier de comparaître devant elle.
Nouveau refus, selon sa réponse écrite lue par le président de la Cour, le Burkinabè Gberdao Gustave Kam: le tribunal est "illégitime et illégal", ses juges sont à ses yeux "de simples fonctionnaires", Hissène Habré estime qu'il n'a "pas à répondre" devant eux.
La Cour a en conséquence ordonné "que l'accusé soit conduit par la force publique" mardi à 09H00.
"Avec lui ou sans lui, le procès aura lieu", a déclaré à l'AFP Souleymane Guengueng, fondateur de l'Association des victimes de crimes du régime de Hissène Habré.
"Je ne sais pas s'il va parler ou non. Mais je vais le regarder dans les yeux pour voir ce qu'il va nous répondre", a dit Abdourahmane Guèye, une victime sénégalaise.
- "Combat contre l'impunité" -
Pour Reed Brody, conseiller juridique de Human Rights Watch, ONG de défense des droits humains, la décision de contraindre M. Habré à comparaître mardi "est un soulagement pour les victimes", qui pourront enfin "lui demander pourquoi elles ont été maltraitées et pourquoi leurs proches ont été tués".
La défense n'était pas représentée à l'audience, ouverte en présence d'environ un millier de personnes. L'accusé, selon ses avocats, leur avait donné instruction de ne pas assister au procès.
Le procureur général, le Sénégalais Mbacké Fall, a rendu hommage aux survivants pour leur "combat contre l'impunité", assurant que les poursuites n'étaient pas motivées par "un acharnement" contre M. Habré.
Ce procès est "fait pour notre population, pour notre avenir et l'avenir de l'Afrique", a indiqué à l'AFP le ministre tchadien de la Justice, Mahamat Issa Halikimi.
Une partisane de M. Habré a estimé en revanche qu'il avait déjà été "jugé et condamné", dénonçant "un complot de l'Occident".
Ce procès inédit doit aussi permettre à l'Afrique, où la Cour pénale internationale est fréquemment accusée de ne poursuivre que des dirigeants africains, de montrer l'exemple.
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