Des centaines d'éleveurs en colère et leurs tracteurs bloquaient lundi les accès à Caen pour protester contre l'effondrement des prix de vente de leurs productions et réclament la venue du ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll.
M. Le Foll a pour sa part proposé aux éleveurs normands de les recevoir jeudi à Paris, quand il aura pris connaissance du rapport que le médiateur des prix, qu'il a désigné, doit lui remettre mercredi à 17H00.
"On reste sur notre position, on veut un ministre de terrain", maintient Jean-Yves Heurtin, président de la FDSEA du Calvados.
Même écho chez les Jeunes Agriculteurs (JA) dont le responsable au sein du cortège, Samuel Bidert, reconnaît cependant "une avancée" avec la proposition de M. Le Foll.
"On voit que ça le préoccupe ce qui se passe sur le terrain. Mais nous on l'attend ici, on a demandé qu'il vienne et réunisse tous les acteurs de la filière, nous les producteurs, mais aussi les industriels des abattoirs et des laiteries et les centrales d'achat des distributeurs".
Pour Samuel Bidert, les éleveurs "ont besoin d'y voir clair: nous, on connaît les prix à la sortie de nos fermes et les prix aux consommateurs, mais entre les deux chaque intermédiaire fait sa marge, sauf l'éleveur".
Le litre de lait lui est payé 300 euros la tonne (30 centimes le litre): "Il m'en faudrait 370 pour vivre dignement sans dépendre de ma femme et 340, 350 pour payer mes charges, sans me verser de salaire".
Le prix du lait qui se tenait bien en 2014 s'est effondré en décembre dernier, rappelle-t-il.
Le rapport du médiateur est très attendu car depuis une réunion mi-juin à Paris, où toute la filière a négocié sous l'égide du ministère de l'Agriculture un accord visant à augmenter les prix payés aux producteurs de viande bovine, les prix n'ont pas significativement augmenté.
Les éleveurs de porcs subissent une crise similaire depuis plusieurs mois et 400 exploitations bretonnes seraient au bord du dépôt de bilan, selon la FNSEA. Le ministère de l'Agriculture estime que 20.000 exploitations, soit 10% des éleveurs, sont en difficulté.
Le médiateur doit comprendre qui des industriels ou des distributeurs freine les hausses de prix convenues dans la filière.
- 'le pot aux roses' -
La grande distribution affirme qu'elle n'est pas en cause et désigne ouvertement les industriels. "Nous avons accepté d'augmenter les prix d'achat de manière importante (). La seule chose, c'est que visiblement cet argent ne va pas dans la poche des éleveurs", a jugé sur i-Télé Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD, les principales enseignes sauf Leclerc et Intermarché).
"Au terme de la loi, la GMS (Grande et Moyenne surface) peut vérifier si les industriels respectent l'accord de hausse" et de la même manière "si un industriel dit avoir du mal à répercuter la hausse aux distributeurs, le médiateur peut intervenir", explique le président de la Fédération nationale bovine, Jean-Pierre Fleury. Lui aussi attend mercredi: "On va découvrir le pot aux roses".
"La distribution a choisi une voie extrêmement dangereuse avec une logique de prix bas, les industriels s'y sont pliés et aujourd'hui c'est la catastrophe", regrette-t-il.
L'économiste et président de l'observatoire des prix, Philippe Chalmin, juge "facile" dans un entretien lundi au Figaro de désigner la grande distribution, "bouc émissaire idéal", mais ce n'est pas si simple.
"Le prix payé aux agriculteurs dépend moins du rapport de force avec la distribution que de la situation agricole au niveau européen, voire mondial. Le prix du lait dépend des ventes du néo-zélandais Fonterra, celui des céréales des aléas climatiques, celui de la viande de porc est affecté par l'embargo russe", assure-t-il.
Selon la Préfecture du Calvados, 250 tracteurs sont rassemblés lundi autour de Caen et une cinquantaine autour de Lisieux et estime que "ça se passe plutôt bien".
Dès dimanche, les éleveurs avaient mené des opérations escargots et des déversements de gravats et de déchets devant des abattoirs et grandes surfaces. Une agence du Crédit Agricole de la banlieue de Caen, a aussi été prise pour cible pendant la nuit.
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