"Il est grand temps"! François Hollande en appelle à son tour à la grande distribution pour qu'elle augmente la rémunération des éleveurs. Les intéressés, toujours mobilisés, se disent encouragés mais attendent surtout qu'industriels et distributeurs respectent la parole donnée.
En visite en Lozère samedi, le chef de l'Etat a demandé aux enseignes des grandes surfaces, qui représentent près de 80% des achats de viande en France, d'augmenter leurs prix pour soutenir les éleveurs en détresse.
"Je lance encore un appel à cette grande distribution pour qu'elle offre aux consommateurs la qualité et aux agriculteurs un prix" a lancé le président, rappelant les engagements souscrits le 17 juin lors d'une table-ronde autour du ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll.
"Les agriculteurs ne peuvent pas vivre que des aides, il doit y avoir des prix pour les rémunérer", a-t-il insisté.
"C'est une bonne nouvelle" glisse à l'AFP le président de la fédération nationale bovine (FNB), représentant des éleveurs, Jean-Pierre Fleury: "après le surendettement de la Grèce, le président revient s'occuper du désendettement des éleveurs".
"Mais enfin, ce pays est incapable de conduire des relations commerciales dans le respect mutuel des partenaires!" s'insurge-t-il. "La grande distribution a joué le jeu extrêmement dangereux des prix bas, les industriels s'y sont pliés et aujourd'hui, c'est la catastrophe".
Alors que la réunion de la filière - éleveurs, industriels abatteurs/transformateurs et distributeurs - s'était conclue sur l'engagement à revaloriser les prix d'achats de la viande bovine de 5 centimes par semaine, le compte n'y est pas.
Stéphane Le Foll l'a encore reconnu sur BFM-TV samedi: à peine 7 centimes ont été gagnés en un mois. Et pour le porc, l'objectif non plus n'est pas atteint en dépit d'une petite hausse.
- 'Il y a le feu!' -
"Le Foll essaie de faire respecter l'accord, le président s'en mêle mais on a toujours l'impression que les industriels n'en ont que faire" reprend Jean-Pierre Fleury. Car pour lui, la responsabilité de la crise est largement partagée et les éleveurs ont le sentiment que tous se renvoient la balle.
"Pour une fois" glisse-t-il même, "il n'y a pas forcément de blocage de la grande distribution parce qu'il y a le feu!": plusieurs enseignes ont subi récemment des descentes d'éleveurs à bout contre leurs magasins. Et la colère couve toujours.
Tous les industriels ne jouant pas le jeu de la hausse des prix, ceux qui le font "se retrouvent cocus". Car, accuse-t-il, les distributeurs ne répercutent pas l'intégralité des hausses passées mais seulement la "moyenne nationale" des augmentations consenties. Ce qui peut représenter d'un lieu à l'autre plusieurs centimes de différence au kilo.
Un médiateur des prix, désigné par le ministre, rendra son rapport mercredi à 17H00 et doit faire la lumière sur ces petits arrangements entre amis. "Il va soulever le pot aux roses", parie M. Fleury.
Pour Stéphane Dornier, secrétaire général du syndicat des Jeunes agriculteurs (JA), proche de la FNSEA, "il est grand temps que le président s'empare du sujet". "On nous dit qu'on crie tout le temps au loup mais ça fait un an qu'on alerte et qu'il ne se passe rien".
Les JA se battent particulièrement sur le "Made in France", rappelle-t-il, alors que les éleveurs français, en porc notamment, sont enfoncés par les concurrents allemands et espagnols.
Avec leur campagne contre "la viande de nulle part", ils sont mobilisés sur le Tour de France, ciblant le charcutier Cochonou et l'enseigne Carrefour, contraints de renoncer à leur place dans la populaire caravane. "Ca va faire trois semaines qu'on demande à Cochonou d'où viennent ses porcs: on n'aura jamais la réponse" regrette le jeune éleveur.
François Hollande appelle lui aussi les Français à consommer français.
"Dans nos fermes, on a une traçabilité exemplaire qui disparait passé l'abattage" explique-t-il. "Impossible de savoir d'où vient la viande. Pourquoi le gouvernement ne s'empare-t-il pas du sujet?".
Il est grand temps, juge-t-il, que les politiques s'en mêlent. Car "tout le monde nous promet des augmentations la main sur le coeur, mais nous, on ne les voit pas".
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