Que savait-il? Plus d'un an après le scandale Bygmalion, Nicolas Sarkozy est décrit dans l'enquête comme décisionnaire de sa stratégie de campagne présidentielle en 2012 et la question de son rôle reste posée dans cette affaire de fausses factures sur ses meetings.
Treize responsables de la société de communication, de l'UMP ou de l'équipe de campagne ont été mis en examen pour cette vaste fraude présumée. Les enquêteurs ont la conviction que les fausses factures ont servi à imputer au parti environ 18,5 millions d'euros de dépenses de meetings pour ne pas les inclure dans le compte de campagne et dissimuler une explosion du plafond légal (22,5 millions d'euros).
L'ancien président n'a pas été entendu ni mis en cause. Lui-même a affirmé n'avoir "appris le nom de Bygmalion", chargée d'organiser ses meetings via sa filiale Event and Cie, que "longtemps après la présidentielle".
Pourtant, son ancien directeur de campagne, Guillaume Lambert, lui a prêté lors de sa garde à vue début avril, un rôle de décideur dans la stratégie de campagne. "De façon générale, la planification des meetings était soumise à approbation et validée par Nicolas Sarkozy", a-t-il déclaré, selon une source proche du dossier.
C'est Nicolas Sarkozy qui choisit de déclarer sa candidature le 15 février 2012, lui aussi qui choisit d'inaugurer sa campagne le lendemain à Annecy. Et le candidat "influait sur les formats de meetings", entre réunions nationales, régionales ou locales, a expliqué son ancien chef de cabinet à l'Elysée.
Après le coup d'arrêt à la campagne provoqué mi-mars par l'affaire Merah, le candidat "a souhaité relancer (sa) dynamique () par davantage d'interventions dans l'espace public", a détaillé M. Lambert.
Sauf que quelques jours plus tôt, le 7 mars, l'expert-comptable avait prévenu dans une note que le total budgété dépassait déjà de plus d'un demi-million d'euros le plafond. Il prônait des renégociations et interdisait "toute dépense complémentaire".
"Informé par mes soins des contraintes budgétaires" posées par cette note, "Nicolas Sarkozy m'a demandé d'ajouter comme événements supplémentaires () que de petites réunions publiques rassemblant aux alentours de 1.000 personnes à coûts bas et maîtrisés", a raconté Guillaume Lambert.
De 15 à 20 meetings, la campagne passera à 44. Mais "25 seront sur ce format" modeste, s'est défendu l'ancien chef de cabinet à l'Elysée.
Un courriel du 19 mars confirme cette impulsion malgré la note du 7 mars. Le directeur général de l'UMP, Eric Cesari, y évoque le "souhait du président de tenir une réunion publique chaque jour à partir de la semaine prochaine".
- Baisses vertigineuses et suspectes -
Ces éléments ne démontrent pas que l'ancien président a pu avoir connaissance de fausses factures. Mais l'enquête est aussi ouverte pour "financement illégal de campagne", délit qui vise notamment le dépassement conscient du plafond des dépenses.
Guillaume Lambert a justifié l'ajout de meetings par les renégociations avec Event and Cie, qui auraient dégagé des marges de manoeuvre financières. Une "rustine" aux yeux d'un enquêteur.
Le patron d'Event, Franck Attal, a confirmé au juge avoir révisé ses prestations à la baisse. En vain, selon lui, car des demandes supplémentaires sont intervenues. Selon plusieurs cadres de Bygmalion, fin mars, l'UMP, via Jérôme Lavrilleux, qui conteste cette version, a demandé de recourir aux fausses factures pour détourner les dépenses sur le parti.
Si des baisses de tarifs apparaissent dans des documents de suivi budgétaire saisis au cabinet de l'avocat de l'UMP, Me Philippe Blanchetier, elles sont si vertigineuses qu'elles en deviennent peu crédibles aux yeux des enquêteurs.
Pour le meeting d'Annecy, le "montant total engagé" s'élève à environ 300.000 euros au 6 mars, puis autour de 140.000 le 27 mars, et descend encore pour atteindre 100.000 euros à la case "compte définitif". La même baisse s'observe à Marseille, Lille, Montpellier et Bordeaux.
"Je reconnais que c'est un peu exagéré", a concédé en garde à vue Me Blanchetier, qui dément toute participation à la fraude.
"Je n'avais aucune raison de mettre en doute les nouveaux tarifs proposés par Event après renégociations menées par l'UMP", s'est défendu Guillaume Lambert. Selon lui, "ces tarifs nettement plus bas" étaient en ligne avec "des prix plus conformes à ceux du marché".
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