Après avoir éloigné le spectre d'un "Grexit", Alexis Tsipras s'est posé en "capitaine" de navire mardi pour rallier son propre camp, et l'ensemble des Grecs, aux mesures impopulaires exigées par les créanciers, qu'il devra faire adopter par le Parlement mercredi.
Pour certains de ses partisans, l'accord arraché au terme d'une nuit de négociations lundi matin constitue une trahison de la volonté populaire exprimée dans les urnes le 5 juillet, quand 61% des Grecs ont dit "non" à l'austérité.
Toutefois le gouvernement, comme l'avaient exigé lundi les autres Etats membres de la zone euro, s'est plié aux demandes de ces derniers en soumettant mardi en début de soirée au Parlement un premier projet de loi, portant notamment sur la TVA et l'introduction d'une règle d'or budgétaire.
C'est la condition nécessaire, et pas suffisante, à la poursuite d'un processus qui pourrait aboutir à la signature dans quelques semaines d'un nouveau plan d'aide d'environ 82 milliards d'euros à la Grèce, assorti de discussions sur un aménagement de la dette du pays.
"Cet accord va passer avec les voix de l'opposition, pas avec celles du peuple", a prévenu le ministre de l'Energie Panagiotis Lafazanis, un des plus à gauche du parti Syriza, vent debout contre le texte.
De fait, Nouvelle Démocratie (conservateurs), Pasok (socialistes) et Potami (centre gauche) ont promis qu'ils voteraient la loi.
Vendredi, au moment du vote sur le principe des négociations, 17 députés Syriza sur 149 avaient fait faux bond à M. Tsipras, en votant non, s'abstenant ou étant absents. Et 15 autres avaient indiqué voter oui, mais avec l'idée de voter non au moment du vote des mesures proprement dites.
- Le programme d'abord, les procédures du parti ensuite -
Face à cette contestation, M. Tsipras est allé s'expliquer à la télévision publique ERT, lors d'une interview d'une heure mardi soir.
Sans qu'on puisse savoir ce qui s'était décidé au sein du parti dans la journée, M. Tsipras n'a pas paru particulièrement préoccupé en tout cas par les questions internes à Syriza.
"Il faut d'abord assurer le programme, et la stabilisation de l'économie, après on aura le temps de s'occuper des procédures du parti", a-t-il dit.
Au passage, il a salué son allié de droite souverainiste au sein de la coalition au pouvoir, Panos Kammenos, "resté à ses côtés".
Il a taclé en revanche l'ex-ministre des Finances Yanis Varoufakis, "un excellent économiste, mais pas forcément un bon politique".
Le premier ministre a franchement reconnu avoir pu faire "des erreurs", avoir signé un texte auquel "il ne croit pas" forcément, mais "pour éviter un désastre au pays", une sortie de l'euro aux conséquences incalculables.
Il a évoqué en termes très libres la nuit de l'accord, "une mauvaise nuit pour l'Europe", avec des Européens dans une position "dure et vindicative", à l'exception de pays "comme la France, l'Autriche, Malte, et Chypre".
Il s'est dit "absolument convaincu d'avoir conduit les négociations jusqu'à l'extrême", rappelant être allé jusqu'à ne pas payer l'échéance de juin du FMI, avoir lancé un référendum en forme de défi aux créanciers, et avoir fait sortir le pays sans filet du précédent programme d'aide le 30 juin.
Mais il a fait comprendre que la sortie de l'euro dont on l'a menacé ce week-end à Bruxelles avait été sa limite.
"Un Premier ministre doit livrer des batailles, et dire la vérité, prendre des décisions et ne pas s'évader" : "c'est comme un capitaine sur un bateau en difficulté, le pire serait d'abandonner le bateau".
Il a, par ailleurs, laissé entendre que les banques, fermées depuis le 29 juin, allaient le rester encore un bon moment : "L'ouverture des banques dépend de l'accord final qui n'aura pas lieu avant un mois", a-t-il dit.
Malgré la fatigue, et la difficulté de l'accord rapporté de Bruxelles, M. Tsipras est apparu assez sûr de lui. Peut-être, entre autres, à cause d'un sondage publié dans la soirée.
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