Le pape François, en tournée en Amérique du sud, a appelé samedi à Asuncion à se méfier des idéologies menant aux dictatures, à en finir avec la corruption et à remédier aux inégalités.
"Les idéologies se terminent mal. Elles ne tiennent pas compte du peuple, regardez ce qu'il est advenu des idéologies au siècle dernier, (elles ont fini) en dictatures, toujours", a déclaré le souverain pontife dans un discours devant des représentants de la société civile dans lequel il prônait le dialogue.
Il faut se méfier des idéologies "qui pensent pour le peuple, sans laisser penser le peuple", a-t-il ajouté.
Aux entrepreneurs, hommes politiques, économistes, il a demandé "de ne pas céder au modèle économique idolâtre qui a besoin de sacrifier des vies humaines à l'autel de l'argent et de la rentabilité", car "le développement économique doit avoir un visage humain".
Déjà en Equateur et en Bolivie, le pape avait prôné un changement pour réduire la pauvreté et corriger les inégalités.
"Certainement, pour un pays, la croissance économique et la création de richesse sont très nécessaires, et il faut que celles-ci arrivent à tous les citoyens sans que personne ne soit exclu", "et non au profit d'une minorité", a-t-il martelé, sous les applaudissements de 5.000 personnes, dont des syndicalistes, des leaders paysans et communautaires.
"L?adoration de l?antique veau d?or a trouvé une nouvelle et impitoyable version dans le fétichisme de l?argent et dans la dictature de l?économie sans visage", a regretté l'ancien archevêque de Buenos Aires.
Il a enfin dénoncé la corruption, "la gangrène d'un peuple", un mal dont souffre le Paraguay, pays de sept millions d'habitants, parmi les plus pauvres du continent.
- Un million de pèlerins -
Dans la matinée, un million de fidèles se sont réunis pour prier avec le pape à la basilique de Caacupé, principal lieu de pèlerinage du Paraguay.
"Avec vous ici, je me sens chez moi, aux pieds de notre mère, la Vierge miraculeuse de Caacupé", a déclaré le pape à la foule, dont seulement la moitié avait pu prendre place sur l'esplanade devant la basilique. Une clameur s'est élevée lorsqu'il a prononcé le "Notre Père" en guarani, la langue des indiens du Paraguay, parlée par 80% de la population.
Dans le sanctuaire, le souverain pontife de 78 ans a dit son admiration pour le rôle historique des femmes au Paraguay, nation quasiment privée il y a 150 ans de sa population active masculine, après une guerre contre ses voisins brésilien et argentin.
"Vous les femmes et les mères paraguayennes, qui avec grand courage et abnégation avez su relever un pays détruit, effondré, submergé par la guerre. Vous avez la mémoire, le patrimoine génétique de celles qui ont reconstruit la vie, la foi, la dignité de votre peuple", a-t-il lancé lors de son homélie à Caacupé.
Des milliers d'Argentins et de Brésiliens étaient venu en voisins, parfois après 50 heures de voyage en autocar.
"Le pape a une force d'attraction inexplicable, comme un aimant", confie Graciela Sosa, qui n'a pratiquement pas dormi de la nuit pour être aux premières loges. "Je me considère comme privilégié. Je peux dire à mes enfants que j'ai vu deux papes", témoigne, hilare, Ernesto Domínguez, un avocat de 50 ans, membre d'un choeur qui avait chanté lors de la visite en 1988 de Jean Paul II.
Avant la messe à Caacupé, le pape s'était rendu auprès d'enfants atteints de cancer à l'hôpital pédiatrique Niños de Acosta Ñu, à Asuncion. "Nous devons apprendre de vous", a-t-il dit, ajoutant "Vous êtes de vrais lutteurs! Et quand on a de pareils +guerriers+ devant soi, on se sent orgueilleux".
Corruption, trafic de drogue, émigration économique, inégalités, racisme, difficultés de réinsertion des ex-détenus, le pape a relevé depuis dimanche les fléaux qui affectent l'Amérique latine.
Il a également demandé pardon pour les "crimes contre les peuples autochtones" et n'a pas hésité à sermonner le clergé qui peut parfois se transformer en "caste", une élite déconnectée du peuple.
Il a rappelé la "dette" de l'Amérique latine, région la plus inégalitaire de la planète, envers "les plus fragiles et les plus vulnérables".
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