Pannes d'ascenseur, insalubrité, appartements loués par des marchands de sommeil: pour voler au secours des emblématiques barres d'immeubles de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), l'État lance sa première Opération de requalification des copropriétés dégradées (Orcod), prémisse d'un ambitieux renouvellement urbain.
Déambulant entre les allées ternes des barres de dix étages du quartier du Chêne-Pointu, serrant au passage les mains de jeunes qui tuent le temps devant les halls décrépis, la ministre du Logement Sylvia Pinel et la secrétaire d'État chargée de la politique de la Ville Myriam El Khomri ont officialisé cette semaine cette mesure inédite.
Une Orcod est un nouvel outil juridique qui permet à des copropriétés, dans la sphère privée, d'être prises en charge par l'État. Cette mesure est rendue possible par la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) de mars 2014.
"L'Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine) allait là où il y a des bailleurs sociaux. Mais il restait les copropriétés dégradées, comme des verrues dans des quartiers refaits", a expliqué Myriam El Khomri dans cette ville déshéritée et enclavée à 15 km de Paris.
Le quartier du Bas-Clichy, 10.000 habitants, avec notamment ses deux copropriétés emblématiques du Chêne-Pointu et de l'Étoile du Chêne-Pointu, sera donc le premier bénéficiaire.
Dans ces deux ensembles des années 1960, environ 1.500 logements, la situation est jugée "catastrophique": petits propriétaires étranglés par les charges, insalubrité due au manque d'argent et donc d'entretien des parties communes, ascenseurs en panne, chauffage collectif défaillant, suroccupation, etc.
"On a aussi les marchands de sommeil qui rachètent les apparts pour rien quand des familles partent", rappelle le maire socialiste Olivier Klein, impuissant face à ceux qui louent à des prix exorbitants à des familles en difficulté, sans pour autant s'acquitter des charges.
- 800 euros le m² -
Selon une enquête sociale, 57% des propriétaires occupants et 77% des locataires du Chêne-Pointu vivaient en 2008 sous le seuil de pauvreté. Fin 2013, les impayés de charges excédaient trois millions d'euros.
"La visite a fait la démonstration criante que la lutte contre le mal-logement et l'habitat indigne doit être une priorité", a affirmé Sylvia Pinel, vantant un projet "novateur" qui réunit "des acteurs qui n'ont pas l'habitude de travailler ensemble".
L?État a ainsi confié l'opération à l'Établissement public foncier d'Ile-de-France (Epfif), qui aura en charge le "portage immobilier", soit l'acquisition et la gestion des appartements.
Il y a huit ans, un petit trois pièces coûtait 100.000 euros au Chêne-Pointu. Aujourd'hui, environ 40.000 euros, soit 800 euros le m², selon le maire. Néanmoins, pour les propriétaires qui souhaitent partir, il est bien difficile de trouver acquéreur.
Pour un budget estimé à 200 millions d'euros, l'Epfif va acquérir pendant une dizaine d'années 150 logements par an, au gré des départs, à l'amiable avec les propriétaires, aux enchères ou en vertu du droit de préemption. Il engagera progressivement la transformation du quartier, éligible au nouveau programme de renouvellement urbain (NPRU) et mobilisant les financements de l'Anru.
Les acquisitions permettront à terme de démolir certains bâtiments, d'en réhabiliter d'autres et d'en laisser certains à des bailleurs sociaux.
"L'opération ne marchera que si le relogement et l'accompagnement des habitants est garanti", a insisté l'écologiste Emmanuelle Cosse, vice-présidente du Conseil régional d'Ile-de-France chargée du logement. Alors que le marché est saturé, la région, la ville et l'État se sont engagés à réserver une partie de leur contingent aux familles du Bas-Clichy.
Dix ans après les émeutes qui ont mis le projecteur sur la commune, Olivier Klein espère, grâce à cette étape ainsi que l'arrivée du tramway pour 2018 et du futur métro automatique vers 2023, "commencer une page plus positive".
Une seconde Orcod est en cours de préfiguration pour aider les copropriétés très dégradées de Grigny 2 (Essonne).
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