Que les Grecs votent oui ou non à la proposition des créanciers du pays, c'est rarement le coeur léger et beaucoup ont surtout l'impression de choisir entre se faire dévorer par le "loup" ou le "lion".
Pour Dimitris Kavouklis, un commerçant de 42 ans, c'est "un choix entre deux solutions dures et mauvaises". Son fils dans les bras, devant un bureau de vote du quartier bourgeois de Kolonaki, il est bien décidé à "choisir la moins mauvaise solution et donc c'est clairement le oui".
A voir les larmes que Nadia, une professeur d'anglais à la retraite, cache derrière d'épaisses lunettes de soleil, on comprend que le bulletin non qu'elle a mis dans l'urne à Poros, une île près d'Athènes, ne la soulage guère: "on vote non, mais on a peur. Mais quand on vote oui, on a peur aussi. Des deux côtés on a peur", dit cette femme de 63 ans qui a "pleuré toute la journée".
Le message de son non ? "Eh bien ce sera terrible pendant deux ans mais après on recommencera du début, car avec le oui, ils nous prêteront de l'argent, mais pour que nous leur rendions ! Et nous serons encore étranglés pendant 60 ans".
D'autres refusent d'avoir à cocher un camp contre un autre: Nikos Leivaditis, jeune militant communiste, compare le Premier ministre Alexis Tsipras et les créanciers du pays au "lion" et au "loup": "tu dois décider qui va te dévorer".
Devant une école du quartier de Pangrati, le stand de son parti (KKE) appelle à voter nul pour dire un triple "non à l'Europe, aux mesures d'austérité de l'UE et du FMI et non aux propositions de Tsipras".
Les indécis sont d'ailleurs légion à quelques mètres des urnes: "Je ne sais pas encore. Je vote non avec le coeur, oui avec la tête", dit sur l'île de Poros Nadia, vendeuse dans un supermarché, en désignant tristement son coeur, puis son front.
Et à Pangrati, Katerina, 56 ans, qui a voté en janvier pour la formation de gauche radicale Syriza d'Alexis Tsipras, hésite encore: "D?habitude, je sais quoi voter, mais là, l?époque est très difficile, nous sommes anxieux, je ne sais pas".
- La 'joie' de Tsipras, la 'rage' de Christos -
Mais ceux qui comme Michalis, un octogénaire, ont été les premiers à entrer dans les bureaux de vote, ouverts depuis 07h00 (04h00 GMT), sont sûr de leur choix: "Je vote non parce que je pense que c'est mieux pour le pays", affirme-t-il à Kolonaki.
Vangelis, instituteur au Pirée, et son ami Vassilis, salarié du fabriquant d'électroménager AEG, sont deux trentenaires à l'allure cool, en short fluo et barbe de trois jours. "On vote non. Le risque de quitter l'euro est très faible. Et ce risque, on est prêts à le prendre". Eva, une pédiatre, refuse, dans un français parfait, de "dire amen aux banquiers et aux créanciers".
Dans le camp des opposants, Theodora, journaliste à la retraite, "prie à genoux" pour que le oui l'emporte, lançant un regard à l'église orthodoxe voisine d?où s'échappent des chants mélodieux. "Une fois qu'on est entrés dans un club, on accepte les règles du club".
A Metaxourgio, un quartier populaire et branché d'Athènes, Christos Papadopoulos, ancien fonctionnaire européen qui a vécu 30 ans à Bruxelles, n'a pas de mots assez durs pour dénoncer le "chantage" du Premier ministre Tsipras, "ce porc". "C'est inacceptable de jouer avec notre futur. Je voterai oui, avec rage", rugit-il.
L'enjeu du scrutin et la conviction d'Athanasios, salarié d'un fonds d'investissement à Paris, sont suffisamment forts pour l'avoir poussé à faire le voyage jusqu'à Athènes et le quartier contestataire d'Exarchia où il vote: "on vote oui pour l'avenir de la Grèce, pour qu'elle reste dans la zone euro et dans l'Union Européenne".
"Evidemment que je ne suis pas pour les mesures d'austérité proposées par les créanciers, on ne vote pas oui avec un grand sourire aujourd'hui", dit-il.
C'est pourtant détendu et souriant qu'Alexis Tsipras est arrivé à son bureau de vote dimanche à Athènes, convaincu que ce référendum exceptionnel "est un jour de fête et de joie".
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