Uber jette l'éponge: la société américaine de VTC a annoncé vendredi qu'elle suspendait en France son service controversé UberPOP, qui a valu à deux de ses dirigeants un renvoi en correctionnelle dans la foulée d'un mouvement de colère des taxis.
"Uber a décidé de suspendre immédiatement UberPOP en France, dans l'attente de la décision que le Conseil constitutionnel doit rendre au sujet du service d'ici fin septembre", a précisé l'entreprise dans un communiqué, soulignant que cette décision intervient "à la suite des actes de violence de ces deux dernières semaines".
Une allusion aux manifestations de taxis, émaillées de violences, qui se sont déroulées jeudi et vendredi de la semaine dernière contre Uber, accusé de concurrence déloyale avec UberPOP dont les chauffeurs ne sont pas des professionnels du VTC (voitures de tourisme avec chauffeur) mais de simples particuliers.
Le communiqué ne mentionne en revanche pas qu'Uber et deux de ses dirigeants ont été renvoyés cette semaine en correctionnelle le 30 septembre, à cause justement d'UberPOP. Le directeur général pour la France Thibaud Simphal et le directeur pour l'Europe de l'Ouest, Pierre-Dimitri Gore-Coty, comparaîtront notamment pour pratique commerciale trompeuse, complicité d'exercice illégal de la profession de taxi et traitement de données informatiques illégal.
Les services comme UberPOP sont notamment visés par la loi Thévenoud du 1er octobre 2014, qui a renforcé les sanctions. En mars, le siège parisien d'Uber France avait été perquisitionné. Mais Uber conteste depuis plusieurs mois la loi Thévenoud qui encadre l'activité des taxis et des VTC.
La maison-mère américaine a déposé deux plaintes contre la France auprès de la Commission européenne, afin d'obtenir l'annulation de cette loi. Elle a aussi obtenu la transmission au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à UberPOP, utilisé selon elle par quelque 500.000 personnes de façon régulière dans l'Hexagone.
- Les taxis méfiants -
"En septembre, le Conseil constitutionnel doit donner sa décision au sujet de la Loi Thévenoud, et de ses dispositions au sujet de services comme UberPOP; en attendant, nous allons travailler très dur pour remettre nos partenaires sur la route, le plus vite possible et dans les meilleures conditions", affirme Uber dans son communiqué.
En effet, selon elle, "UberPOP a été une source de revenus importante pour plus de 10.000 conducteurs". Uber a évoqué la possibilité d'en reconvertir certains en chauffeurs VTC. Cela nécessite une formation de 250 heures, une licence délivrée par les autorités et une voiture répondant à des normes strictes d'âge et de taille.
Uber, fondée en 2009 à San Francisco, a bouleversé le secteur du transport de personnes avec sa populaire application sur téléphone mobile faisant le lien entre VTC et voyageurs. La société est aujourd'hui valorisée à quelque 50 milliards de dollars selon la presse américaine.
Mais UberPOP, hors-la-loi selon le gouvernement français, a valu à Uber de nombreux démêlés avec la justice, les autorités et les taxis, et pas seulement en France: ces derniers mois, il a notamment été déclaré illégal en Belgique et interdit aux Pays-Bas.
"Les nouvelles technologies peuvent être déstabilisantes, nous le comprenons, et plus particulièrement pour les entreprises établies et leurs employés () Mais nous sommes persuadés que d'autres solutions existent, pour tout le monde - y compris les chauffeurs de taxi", a assuré Uber France dans son communiqué.
Les organisations de chauffeurs de taxis se sont gardées de tout triomphalisme après l'annonce de vendredi.
"L'annonce est satisfaisante en soi, néanmoins on reste très vigilants et très méfiants. Uber est coutumier de manoeuvres de ce genre et ils sont capables de créer des applications similaires sous un autre nom", a affirmé à l'AFP Séverine Bourlier, secrétaire générale de l'Union nationale des taxis.
Le syndicaliste FO Nordine Dahmane lui a fait écho. "Nous prenons acte", mais "on ne sait pas ce qui va en ressortir après", a-t-il dit à l'AFP. "C'est une bonne décision que le service soit suspendu, mais on aimerait qu'il ne revoie pas le jour".
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