Le tribunal correctionnel de Bordeaux a relaxé jeudi la juge de Nanterre Isabelle Prévost-Desprez, qui était poursuivie pour "violation du secret professionnel" pendant l'enquête sur la retentissante affaire Bettencourt, dont elle fut un acteur-clé avant d'en être dessaisie.
Mme Prévost-Desprez était notamment soupçonnée d'avoir révélé, dans des SMS, les détails d'une perquisition au domicile de Liliane Bettencourt, héritière du groupe de cosmétiques L'Oréal, le 1er septembre 2010, relatée le jour même dans Le Monde par le journaliste Jacques Follorou, avec qui la magistrate avait cosigné un livre quelques mois plus tôt.
Elle s'en est toujours défendue, affirmant n'avoir eu que des "discussions personnelles" avec son "ami" Jacques Follorou, ou des échanges de nature juridique avec d'autres journalistes.
Mais durant l'audience, début juin, le procureur Gérard Aldigé avait évoqué des "charges nombreuses et accablantes", estimant que "les explications d'Isabelle Prévost-Desprez ne résistaient pas au nombre considérable des SMS adressés à M. Follorou". Il avait requis contre la présidente de la 15e chambre correctionnelle de Nanterre une peine légère, presque symbolique, de 5.000 euros d'amende.
Le tribunal ne l'a pas suivi et son président, Denis Roucou, a souligné en rendant son jugement que l'existence de "coïncidences troublantes" ne constituait "pas des preuves suffisantes" de la culpabilité de sa collègue magistrate.
L'enquête a bien identifié des SMS échangés avec le journaliste du Monde au début de la perquisition, mais n'a jamais pu en établir la teneur.
Durant le procès, Denis Roucou avait lui-même semé le doute en relevant l'existence d'autres contacts téléphoniques, concomitants à la fameuse perquisition, entre des proches de Liliane Bettencourt. Comme cet échange entre l'infirmier de la milliardaire, Alain Thurin -poursuivi pour abus de faiblesse au détriment de la vieille dame- et Marion Bougeard, "conseil en communication" de la milliardaire, qui gérait alors ses relations avec la presse.
- Dossier politiquement sensible -
Plus étonnant encore, les avocats de la défense et de Liliane Bettencourt, partie civile au procès, avaient unanimement pointé du doigt la responsabilité, dans cette procédure, de Me Georges Kiejman, avocat de la milliardaire à l'époque de la perquisition.
Pour la défense, il ne faisait aucun doute que la plainte déposée par Me Kiejman contre la magistrate était une tentative de "déstabilisation" visant à l'empêcher d'enquêter sur un dossier politiquement sensible.
Dans le cadre d'un supplément d'information, Isabelle Prévost-Desprez s'intéressait aux liens éventuels entre la femme la plus riche de France et le financement de l'UMP, parti du président alors en exercice, Nicolas Sarkozy. L'ex-chef de l?État, soupçonné d'abus de faiblesse dans un autre volet du dossier, a bénéficié d'un non-lieu en 2013.
Pour Me Benoît Ducos-Ader, avocat de Liliane Bettencourt depuis le dépaysement de l'ensemble du dossier à Bordeaux, Me Kiejman a bel et bien pris "une initiative personnelle" qui n'était pas dans l'intérêt de sa cliente, déjà atteinte de la maladie d'Alzheimer et aujourd'hui sous tutelle.
L'avocat bordelais a même évoqué "un véritable cabinet noir" en citant les noms de Georges Kiejman, Patrice de Maistre, gestionnaire de fortune de la milliardaire, et du photographe François-Marie Banier, son confident. Ces deux derniers ont été condamnés en mai à de la prison ferme pour abus de faiblesse à son encontre et ont fait appel de ce jugement.
"Vous dire que la partie civile est heureuse de voir Isabelle Prévost-Desprez sur ce banc (des prévenus, NDLR) serait mentir", avait-il souligné, saluant le courage de la magistrate pour son enquête dans le dossier Bettencourt et refusant de demander une quelconque indemnisation dans ce procès.
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