Dominique Cottrez, accusée d'avoir tué huit de ses nourrissons juste après leur naissance, était jeudi midi dans l'attente de la décision de la cour d'assises du Nord, à Douai, à l'issue d'une plaidoirie fervente de ses avocats.
"Si cette femme prenait du plaisir, on n'aurait pas retrouvé les corps. Elle les conserve dans ce mécanisme du psychisme qui est complètement prisonnier. Elle se lève la nuit en hiver, pour aller couvrir les corps d'une couverture", tonne Me Frank Berton. "Mais tout va bien!", conclut-il ironiquement.
Au lendemain d'un réquisitoire où le ministère public, qui a demandé 18 ans de réclusion, s'était employé à éteindre les passions, demandant aux jurés de comprendre mais pas d'excuser, les avocats de la défense ont mis en avant la "détresse" d'une femme dominée par des troubles névrotiques.
"Jugez-la selon sa pathologie, selon ce qu'elle est!", a plaidé Me Marie-Hélène Carlier, rappelant que dans d'autres pays comme en Finlande, en Suisse ou au Royaume-Uni, les peines pour les femmes commettant des néonaticides après un déni de grossesse se réduisaient parfois à de la prison avec sursis.
Son obésité aura dicté le destin de Dominique Cottrez, soumise au regard des autres, celui de la sage-femme de son premier accouchement principalement qui lui reproche son surpoids.
"Ce qui devait être le plus beau jour de sa vie va se transformer en catastrophe monumentale. Ca l'a détruite", rappelle Me Carlier.
"Je comprendrais d'être condamné. On n'a jamais plaidé l'innocence, on a plaidé une détresse. Vous croyez qu'elle présente un danger, quand on vous demande de la juger pour ce qui s'est passé il y a un quart de siècle?", s'interroge Me Berton, qui souligne que Dominique Cottrez n'avait que 26 ans lors du premier infanticide.
Sur l'enchaînement, "les experts sont venus nous dire qu'il n'y a rien de diabolique, c'est mécanique. Vous devez l'entendre", appuie l'avocat.
Le jury s'est retiré peu avant 11H00 pour décider du sort de cette ancienne aide-soignante de 51 ans, visiblement sous le choc d'un réquisitoire jugé sévère par la défense qui s'en est pris directement à l'avocat général, l'accusant d'être "dans le déni du déni".
Dans un procès qui aura duré six jours au total, la présidente Anne Segond, les avocats généraux, les avocats de la défense, ont tenté de percer le mystère Cottrez, les motivations derrière le plus important cas d'infanticide en France.
- Une parole libérée -
Jusqu'au rebondissement spectaculaire lundi, qui a abasourdi jusqu'à son avocat Me Berton: Dominique Cottrez avoue avoir menti sur une relation incestueuse avec son père, inventée semble-t-il de toute pièce pour tenter d'expliquer ses actes.
"L'explication d'inceste nous rassurait, mais nous endormait aussi", a reconnu Eric Vaillant lors des réquisitions.
Il n'a pas requis la peine maximale suggérée par la loi, la réclusion criminelle à perpétuité. Il a demandé aux jurés de tenir compte de certaines circonstances: la personnalité de l'accusée, son "hyper-fragilité" et son "hyper-névrose", ses conditions de vie, ses troubles psychiques. Qui n'excusent pas tout.
"Détermination, organisation et sang-froid", voilà des qualités dont a fait preuve Dominique Cottrez pour les meurtres, pour lesquels la préméditation a été retenue par les avocats généraux, sauf dans le premier cas, selon Annelise Cau, deuxième voix du réquisitoire.
L'aveu du "mensonge" a permis d'une certaine façon à la parole de Dominique Cottrez de se libérer, a noté la magistrate. Elle est parvenue à raconter les premiers infanticides, même si un certain flou continue d'entourer ses souvenirs des derniers meurtres.
Des questions restent en suspens, en particulier de savoir qui a bien pu enterrer les deux premiers corps dans le jardin de la maison des parents de l'accusée. Leur découverte, le 24 juillet 2010 par le nouveau propriétaire de l'habitation à Villers-au-Tertre, avait lancé l'affaire. Les six autres cadavres avaient été retrouvés dans le garage de Dominique Cottrez.
A l'issue des plaidoiries, Dominique Cottrez s'est levée, et a demandé pardon: à ses deux filles, à ses frères et soeurs, à ses petits-enfants, et le reste s'est perdu dans les larmes.
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