L'ex-ministre Charles Pasqua, 88 ans, pilier de la famille gaulliste et parrain politique de Jacques Chirac, avec lequel il avait fini par rompre, mais aussi de Nicolas Sarkozy, est décédé ce lundi, a-t-on appris de sources politiques concordantes.
Ancien ministre de l'Intérieur, ex-sénateur des Hauts-de-Seine, il avait mis un terme en 2011 à sa carrière politique, marquée par une part d'ombre liée à ses activités au sein de services d'ordre parallèles, ses réseaux africains et ses démêlés judiciaires. M. Pasqua était apparu la dernière fois en public le 30 mai pour le congrès fondateur des Républicains.
M. Pasqua est décédé lundi à l'hôpital Foch de Suresnes, a précisé dans un communiqué le président du Conseil départemental des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian (Les Républicains).
Cité dans près d'une dizaine d'affaires (financement politique, vente d'armes à l'Angola), il avait été condamné définitivement en 2010 dans deux dossiers: à 18 mois de prison avec sursis pour le financement illégal de sa campagne européenne de 1999, via la vente du casino d'Annemasse (Haute-Savoie), et à un an avec sursis par la Cour de justice de la République (CJR) dans l'affaire des détournements de fonds au préjudice de la Sofremi (exportation de matériel de sécurité).
Il avait encore eu maille à partir avec la justice en mai dernier, avec le procès en appel de détournement de fonds publics dans la fondation d'art Hamon.
Né le 18 avril 1927 à Grasse (Alpes-Maritimes), Charles Pasqua, petit-fils de berger corse, s'était engagé à 16 ans dans la résistance et, gaulliste convaincu, il avait adhéré dès 1947 au Rassemblement du peuple français (RPF). Il avait fait carrière dans la société Pernod-Ricard.
- 'trahison' de 1995 -
Pièce maîtresse de l'équipe de Jacques Chirac dans les années 80, M. Pasqua était devenu ministre de l'Intérieur en 1986-1988 dans le gouvernement Chirac. Il avait à nouveau occupé cette fonction avec rang de ministre d'Etat en 1993-1995 dans le gouvernement d'Edouard Balladur, qu'il avait d'ailleurs préféré à M. Chirac lors de la présidentielle de 1995.
Les blessures, liées à l'Europe mais surtout à la "trahison" de 1995, étaient restées vives entre les deux hommes et Jacques Chirac et Charles Pasqua ne s'étaient jamais réconciliés. Au point que M. Pasqua avait même publiquement mis en cause son ancien mentor lors d'une conférence de presse.
Pilier des Hauts-de-Seine, département qu'il a présidé de 1973 à 1976 et de 1988 à 2004, ancien député et ancien sénateur, il s'était fait souffler la mairie de Neuilly-sur-Seine en 1983 par un jeune et ambitieux Nicolas Sarkozy, dont il avait contribué à l'ascension et dont il était redevenu proche par la suite.
Il avait claqué la porte du RPR en 1999 pour fonder et présider un temps le Rassemblement pour la France (RPF), parti souverainiste, à la tête duquel, associé avec Philippe de Villiers, il avait fait un meilleur score que la liste RPR-DL de Nicolas Sarkozy.
Connu pour ses formules choc -"il faut terroriser les terroristes" avait-il lancé place Beauvau- il restera lié aussi au Service d'action civique (SAC), sorte de police secrète créée à la fin des années 1950 et à une législation restreignant le droit d'asile en juin 1993. Son nom est aussi associé à la mort, en 1986, d'un jeune homme d'origine marocaine, Malik Oussekine, décédé sous les coups de la police pendant une manifestation étudiante à Paris pendant qu'il était ministre de l'Intérieur.
La mort de son fils unique, Pierre Philippe, en février dernier l'avait très profondément affecté et avait accéléré son affaiblissement physique, constaté ces dernières années.
"La France perd l'un de ses plus grands serviteurs", a aussitôt réagi Nicolas Sarkozy. "Nous avons aux côtés de J. Chirac mené bien des combats ensemble. Puis nos routes ont divergé. Mais sa personnalité m'impressionnait", a réagi sur Twitter Alain Juppé.
Il a "inlassablement terrorisé la pensée unique", a salué Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) tandis que le numéro deux du FN, Florian Philippot, a rendu hommage à "un grand patriote".
Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a salué "la mémoire", dans un bref communiqué rappelant que la carrière politique de M. Pasqua "fut notamment marquée par deux passages au ministère de l?Intérieur".
"Même si son action fut controversée, je veux saluer le résistant attaché à la République", a tweeté Bruno Le Roux (PS). Seule à ne pas le saluer, Emmanuelle Cosse (EELV) a lancé: "On évoque le résistant () Et moi je pense a Malik Oussekine".
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