Les enquêteurs tentent d'élucider les motivations de Yassin Salhi, qui a multiplié les mises en scènes islamistes lors de son attentat dans l'Isère mais nie en garde à vue toute dimension religieuse à l'assassinat et la décapitation de son patron, avec lequel il semblait en conflit.
L'interrogatoire du suspect s'est poursuivi lundi au siège de la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire (SDAT) à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), où il avait été transféré la veille. La garde à vue peut durer jusqu'à mardi soir.
Les enquêteurs ont découvert une connexion avec la Syrie, mais, dans le même temps, cet homme de 35 ans a contesté en garde à vue "toute religiosité dans son passage à l'acte", selon une source proche du dossier.
Mais il "ne s'explique pas" sur le fait que la tête de sa victime a été retrouvée fixée à un grillage et encadrée de deux drapeaux frappés de la "chehada", la profession de foi musulmane.
Salhi, qui a aussi crié "Allah akbar" ("Dieu est le plus grand") vendredi aux pompiers qui l'ont maîtrisé alors qu'il tentait d'ouvrir des bouteilles de gaz dans une usine de Saint-Quentin-Fallavier (Isère), a avoué avoir assassiné et décapité son patron, Hervé Cornara, 54 ans.
Les enquêteurs ont découvert dans son téléphone portable un macabre selfie, pris avec la tête de sa victime, envoyé à un Français connu comme étant enrôlé dans les rangs de l'organisation État islamique dans les zones de jihad en Syrie.
Originaire de Vesoul, cet homme, prénommé Yunes-Sébastien, est parti en novembre en Syrie, rejoignant le secteur de Raqa, selon des sources proches du dossier. Les services de renseignement n'avaient pas repéré son départ en Syrie. C'est son père qui a prévenu la police de sa disparition.
Yassin Salhi connaît depuis 2006 Yunes-Sébastien, qui appartenait, comme lui, à une mouvance islamiste du secteur de Vesoul, Besançon et Pontarlier (Doubs), précise une autre source proche du dossier.
- Passeport introuvable -
Aucun élément ne montre pour l'instant que Yassin Salhi se serait lui-même rendu en Syrie, bien qu'il ait été fiché entre 2006 et 2008 par les services de renseignement comme s'étant radicalisé dans sa ville natale de Pontarlier. Il avait de nouveau été repéré entre 2011 et 2014 pour ses liens avec la mouvance salafiste lyonnaise.
Juste avant son transfèrement en région parisienne dimanche, Salhi a été conduit à son domicile de Saint-Priest, près de Lyon, entouré de policiers cagoulés et armés, revêtu d'un gilet pare-balles et la tête couverte d'un tissu blanc, notamment pour y récupérer son passeport, qui n'a cependant pas été retrouvé.
Le directeur de l'usine Air Products & Chemicals de Saint-Quentin-Fallavier a dit lundi n'avoir jamais constaté de "problème de comportement" chez Yassin Salhi, qui "avait un badge pour avoir accès au site".
Mais des membres de l'entourage de ce chauffeur-livreur ont décrit un homme au comportement parfois agressif et violent, avec l'islam comme sujet revenant souvent.
Deux jours avant l'attentat, Salhi avait eu un différend d'ordre professionnel avec sa victime. Le ton était monté entre les deux hommes, quand l'employé avait fait tomber une palette de matériel informatique.
L'épouse d'Hervé Cornara avait vu son mari pour la dernière fois peu après 07H30 vendredi, dans leur société de transport de Chassieu (Rhône). L'attentat a eu lieu deux heures plus tard.
Le suspect a expliqué aux enquêteurs avoir assommé son patron, avant de l'étrangler, puis de le décapiter dans un parking à quelques centaines de mètres du lieu de l'attentat. L'autopsie n'a pas permis de déterminer quand est mort Hervé Cornara: de la strangulation, de l'égorgement qui a suivi ou du fait de la décapitation. Un couteau a été retrouvé sur le site de l'usine.
Selon une source proche du dossier, en revanche, l'arme factice également retrouvée était en fait un jouet appartenant au fils de Salhi. Celui-ci dit l'avoir repeint la nuit avant ses crimes avec une bombe que les enquêteurs sont allés récupérer chez lui dimanche.
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