Les Burundais élisent lundi leurs députés et conseillers communaux dans un climat extrêmement tendu, émaillé de nouvelles violences nocturnes qui ont retardé le début des opérations de vote dans certains quartiers de la capitale Bujumbura.
La participation, plus que le résultat, est la grande inconnue de ces scrutins, que l'opposition a appelé à boycotter, estimant que les conditions n'étaient pas remplies pour des élections libres et transparentes après deux mois de contestation populaire de la candidature du chef de l?État Pierre Nkurunziza à un troisième mandat.
Quelque 3,8 millions d'électeurs sont appelés aux urnes pour ce scrutin proportionnel à un tour. Ils doivent élire 100 députés, auxquels s'ajouteront trois membres de l'ethnie ultra-minoritaire twa ainsi que, si nécessaire, un nombre variable de députés cooptés au sein des listes en lice pour parvenir aux équilibres prévus par la Constitution, l'Assemblée devant compter 60% de députés hutu (environ 85% de la population), 40% de députés tutsi (environ 15%) et 30% de femmes.
Ces équilibres ont été consacrés par l'Accord d'Arusha qui avait conduit à la fin de la guerre civile ayant opposé entre 1993 et 2006 l'armée, alors dominée par l'élite tutsi, et des rébellions hutu. Les mécanismes de partage du pouvoir de cet accord ont apporté dix ans de paix au Burundi, à l'histoire post-coloniale ponctuée de massacres.
Dans la nuit de dimanche à lundi, dans des quartiers contestataires de Bujumbura mais aussi dans quatre localités de province, des centres de vote ont été visés par des attaques à la grenade, a affirmé la police, assurant cependant que le matériel électoral n'avait pas subi de "dégâts".
Dans la capitale, des tirs ont été entendus une bonne partie de la nuit par des habitants, six policiers ont été légèrement blessés par des tirs et 15 grenades ont explosé, retardant l'ouverture de nombreux bureaux de vote. A Nyakabiga notamment, une centaine d'électeurs attendaient ainsi toujours vers 06H00 (même heure en GMT) l'ouverture de leur centre de vote, sous forte présence policière.
"La Céni a tenu compte des problèmes de sécurité à Bujumbura et a donné latitude aux présidents des bureaux pour retarder l'ouverture, quitte à rattraper le retard", en fin de journée, a expliqué Prosper Ntahorwamiye, porte-parole de la Commission électorale nationale indépendante (Céni). "Ca se passe bien à l'intérieur du pays", a-t-il assuré.
- Défections -
Malgré le boycott de l'opposition, les problèmes de sécurité et les nombreux appels en interne, mais aussi en externe, de la communauté internationale, à reporter les scrutins, le gouvernement a maintenu lundi les scrutins. Il a argué d'un risque de vide institutionnel, le mandat de Pierre Nkurunziza s'achevant le 26 août.
Signe de l'isolement croissant du camp présidentiel, le président de l'Assemblée nationale sortante, deuxième personnage de l?État et membre du parti présidentiel CNDD-FDD ouvertement opposé au troisième mandat, a annoncé sa défection dimanche depuis Bruxelles.
Le départ de Pie Ntavyohanyuma s'ajoute à la longue liste d'opposants, journalistes, membres de la société civile mais aussi cadres frondeurs du CNDD-FDD qui ont choisi l'exil, disant craindre pour leur vie en raison de leur opposition au 3e mandat.
L'opposition a tenté jusqu'au bout d'éviter le boycott, gardant en tête le précédent de 2010 : elle s'était retiré des élections générales, ce qui avait eu pour unique conséquence de l'écarter du paysage politique pendant cinq ans. Mais elle a finalement jeté l'éponge, affirmant avoir été dans l'impossibilité de faire campagne et la cible permanente de menaces.
La société civile, en pointe dans la contestation d'un 3e mandat jugé contraire à la Constitution et à l'Accord d'Arusha, a aussi appelé la population à bouder les urnes, pour ne pas cautionner "un simulacre électoral".
Rappelant à son tour que les conditions n'étaient "pas réunies" pour des scrutins "crédibles", l'Union africaine a confirmé qu'elle n'observerait pas le déroulement des élections.
Les seuls observateurs internationaux sont ceux de l'ONU, qui a précisé que leur présence ne devait pas être "interprétée comme une validation" du processus. Regrettant "l'insistance" du gouvernement à maintenir les scrutins lundi, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, l'a appelé à assurer la sécurité du vote.
A l'approche des élections, la communauté internationale a dénoncé un climat d'intimidation et de peur et l'absence de médias indépendants.
L'officialisation fin avril de la candidature de Nkurunziza à un 3e mandat a provoqué un mouvement de contestation populaire, essentiellement à Bujumbura mais aussi dans quelques villes de province, violemment réprimé par la police, et motivé un coup d'Etat manqué mi-mai lors duquel les radios indépendantes ont été détruites.
Plus de 70 personnes sont mortes et plus de 120.000 Burundais terrifiés par le climat préélectoral ont fui le pays.
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