Le président de l'Assemblée nationale burundaise, deuxième personnage de l'Etat, a annoncé dimanche s'être réfugié en Belgique d'où il a dénoncé le "forcing" électoral du président Pierre Nkurunziza, à la veille de législatives et communales boycottées par l'opposition et dont la communauté internationale conteste la tenue.
L'Union africaine qui, comme l'Union européenne, les Etats-Unis et l'ONU, réclamait un report du vote, a confirmé dimanche qu'elle n'observerait pas les élections, estimant que les conditions n'étaient "pas réunies" pour la tenue de "scrutins crédibles".
L'UE avait déjà suspendu fin mai sa mission d'observation électorale dans le pays. Seule l'ONU poursuit sa tâche d'observation, mais elle a souligné que celle-ci ne devait pas être "interprétée comme une validation" du processus.
Dans une interview à France 24, le président de l'Assemblée nationale, Pie Ntavyohanyuma, membre du parti au pouvoir CNDD-FDD mais opposant notoire à la candidature de Pierre Nkurunziza à la présidentielle qui suivra ces premiers scrutins le 15 juillet, a affirmé être "pour le moment, contraint de rester à Bruxelles".
Sa défection intervient dans la foulée de celle du 2e vice-président du Burundi, Gervais Rufyikiri. Lui aussi opposé à un 3e mandat et également réfugié en Belgique, ex-puissance colonisatrice du Burundi, M. Rufyiriki avait expliqué cette semaine avoir fui après avoir reçu des menaces.
Dimanche, M. Ntavyohanyuma a réitéré qu'un 3e mandat serait "illégal" mais estimé qu'il n'était pas encore trop tard pour que le chef de l'Etat, déjà élu en 2005 et 2010, "renonce". "Le forcing (du gouvernement) vers les élections n'a pas de sens", a-t-il lancé.
Le principal conseiller en communication du président, Willy Nyamitwe, pour qui ce nouveau départ n'est "pas une surprise", a immédiatement rejeté cet appel, qui, selon lui, est sans effet.
Malgré l'annonce du boycott des élections par toute l'opposition et les nombreux appels à un report des scrutins, le pouvoir a jusqu'au bout refusé de modifier le calendrier, arguant d'un risque de vide institutionnel puisque le mandat de Nkurunziza s'achève le 26 août.
L'officialisation fin avril de la candidature de Nkurunziza à la présidentielle a plongé le petit pays d'Afrique des Grands Lacs, à l'histoire post-coloniale marquée par les massacres interethniques et un long conflit civil (1993-2006), dans une grave crise politique.
Elle a provoqué un mouvement de contestation populaire, essentiellement à Bujumbura mais aussi dans quelques villes de province, violemment réprimé par la police et motivé un putsch manqué mi-mai lors duquel les radios indépendantes ont été détruites.
Les anti-Nkurunziza jugent un troisième mandat anticonstitutionnel et contraire à l'Accord d'Arusha qui avait permis la fin de la guerre civile.
Depuis le début de la contestation, plus de 70 personnes sont mortes. Plus de 120.000 Burundais terrifiés par le climat préélectoral ont fui dans des pays voisins, dont des dizaines de journalistes, membres de la société civile, opposants politiques et frondeurs du CNDD-FDD.
- Regain de violence -
La semaine qui s'achève a été marquée par un regain de violence. Ce week-end encore, trois morts ont été dénombrés à Bujumbura, sept grenades au moins ont explosé et des tirs nourris, parfois au fusil mitrailleur, ont été entendus dans des quartiers contestataires toute la nuit de samedi à dimanche.
Le calme était revenu dimanche dans la capitale, où des policiers patrouillaient. Les habitants restés sur place - beaucoup ont quitté la ville pour se réfugier en province ou au Rwanda voisin de crainte d'une attaque de grande ampleur à l'approche des scrutins - vaquaient à leurs occupations, certains effectuant même leur jogging dominical.
Mais selon des témoins, le week-end a aussi été tendu dans quelques localités de province. Notamment dans la commune de Mutaro, province de Gitega, où la police a arrêté trois membres de l'opposition samedi, provoquant la colère de la population qui a commencé à couper les routes.
Ces incidents n'ont cependant pas non plus semblé perturber les plans de la Commission électorale (Céni), pour qui "tout est prêt" pour le vote de lundi.
Le président de la Céni a même affirmé n'avoir jamais reçu le document annonçant officiellement le boycott de l'opposition. Dénonçant une "manipulation", un leader de l'opposition, Charles Nditije, a estimé que la Commission voulait seulement pouvoir prétendre que le scrutin serait "pluraliste et inclusif".
L'opposition a jeté l'éponge car elle affirme avoir été dans l'impossibilité de faire campagne et la cible permanente de menaces. Elle a remis en cause jusqu'à la légitimité de la Céni, accusée d'être aux ordres du pouvoir.
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