L'opposition burundaise et la société civile ont appelé au boycott des élections censées débuter lundi, alors que les autorités ont affirmé qu'elles se tiendraient comme prévu malgré des semaines de contestation et de violences déclenchées par la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat.
Refusant de cautionner un "simulacre" électoral et dénonçant un "forcing électoral du président" qui ne "pense qu'à ses propres intérêts", les principaux dirigeants de la société civile ont aussi demandé à la communauté internationale de ne pas valider les scrutins.
La Belgique, ex-puissance colonisatrice du Burundi, a d'ores et déjà annoncé qu'elle ne reconnaîtra pas leurs résultats.
Face au climat "politique et sécuritaire" qui règne dans le pays, et suivant une recommandation de son envoyé spécial sur place, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a réclamé un report des élections.
Faisant fi de cet appel, l'ambassadeur du Burundi auprès des Nations unies Albert Shingiro a déclaré que le gouvernement burundais "ne pouvait pas accepter de tomber dans un vide institutionnel, dans un trou ()".
"C'est pour cela que nous optons pour aller aux élections", a-t-il ajouté devant le Conseil de sécurité de l'ONU, lors d'une réunion convoquée en urgence.
Les Etats-Unis ont eux annoncé vendredi dans la soirée avoir suspendu l'assistance technique qu'ils apportaient à la Commission électorale burundaise, estimant que les "conditions nécessaires à des élections crédibles" n'étaient pas réunies.
L'opposition est favorable au principe d'un report, qui lui aurait permis d'éviter de se retirer du processus, gardant en tête son boycott des élections en 2010 qui a eu pour seule conséquence de la sortir du jeu politique pendant cinq ans. Mais elle exige surtout des préalables à sa participation.
"Toute l'opposition a décidé unanimement de boycotter les élections () qui commencent par les communales et législatives de lundi", a déclaré à l'AFP l'un de ses dirigeants, Charles Nditije.
Une lettre, signée par tous les représentants de l'opposition politique et dont l'AFP a obtenue une copie, a été déposée en ce sens jeudi à la Commission électorale (Céni).
Ils y dénoncent un calendrier électoral fixé unilatéralement et demandent que soient "préalablement créées" les conditions pour des élections "paisibles, transparentes et inclusives".
"Ces conditions ont, entre autres, trait au désarmement de la milice Imbonerakure (la Ligue des jeunes du CNDD-FDD, le parti au pouvoir) et à la sécurisation du processus électoral et des leaders politiques et sociaux, à la réouverture des médias indépendants, le retour des réfugiés de fraîche date et des leaders politiques et de façon générale le retour à une vie sociale normale", précisent-ils dans leur lettre.
M. Nditije a également mis en cause la légitimité de la Céni, dont deux membres ont fui à l'étranger et qui est désormais composée selon lui uniquement de fidèles du président Nkurunziza. Il a aussi contesté le maintien de la candidature du chef de l'Etat à la présidentielle du 15 juillet, au centre de la crise.
- Fuite en avant -
Les opposants à un troisième mandat de Pierre Nkurunziza, déjà élu en 2005 et 2010, le jugent anticonstitutionnel et contraire à l'accord d'Arusha qui avait ouvert la voie à la fin de la longue guerre civile burundaise (1993-2006).
Les manifestations qui ont suivi l'annonce de sa candidature fin avril ont été violemment réprimées par la police et ont donné lieu à des heurts avec les Imbonerakure, accusés de campagne d'intimidation contre les anti-Nkurunziza. Lors d'un putsch manqué de généraux eux aussi opposés au 3e mandat mi-mai, les médias indépendants ont été détruits et restent depuis empêchés de réémettre.
Les violences qui ont accompagné la contestation populaire ont fait au moins 70 morts, selon une ONG burundaise de défense des droits de l'homme. Et plus de 100.000 Burundais ont fui ce climat délétère dans des pays voisins, Rwanda, République démocratique du Congo, Tanzanie.
Face à cette crise, le pouvoir burundais a déjà reporté deux fois les scrutins législatifs et municipaux et une fois la présidentielle.
Arguant d'un risque de vide institutionnel - le mandat de Pierre Nkurunziza s'achève le 26 août -, il a jusqu'ici exclu tout nouveau report, malgré les pressions internationales.
Les détracteurs de M. Nkurunziza dénoncent jour après jour une fuite en avant du chef de l'Etat, qui a lancé jeudi sa campagne présidentielle. Chaque semaine voit son lot d'opposants, journalistes, membres de la société civile et même de frondeurs du CNDD-FDD fuir le pays, disant craindre pour leur vie.
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