Tous les jours à Bogota, Sara Vélez, étudiante en droit de 26 ans, se rend à pied à l'université, supportant le long du chemin des compliments qui souvent tournent au commentaire obscène: face à ces comportements machistes, l'Amérique latine commence enfin à réagir.
Ces derniers mois, l'Argentine et le Chili ont commencé à débattre de projets de lois sanctionnant le harcèlement de rue, comme l'ont déjà fait le Mexique ou le Costa Rica.
Le Pérou s'est montré le plus sévère, approuvant en mars une loi qui inflige jusqu'à 12 ans de prison dans les cas les plus graves.
Ils font ainsi écho à un mouvement citoyen de plus en plus présent pour dénoncer ce qui se traduit parfois en enfer au quotidien pour les femmes latino-américaines.
"Je ne peux pas marcher en paix, sans que quelqu'un me regarde ou me crie plein de choses", raconte Sara Vélez à l'AFP. "Cela me dégoûte".
Des milliers de kilomètres au nord, c'est l'heure de pointe dans les transports publics de Mexico, synonyme de cauchemar pour les passagères.
Laura Reyes, serveuse de 26 ans, se faufile dans la foule du métro à la station Pantitlan, avant de s'engouffrer dans un wagon réservé aux femmes et enfants.
Pourtant, "je ne me sens pas très en sécurité", confie-t-elle.
Car "ici aussi il y a beaucoup de pervers qui arrivent à entrer. Mais si je vais dans les autres wagons, je finis tripotée".
Au Brésil, fin mai, la journaliste Carolina Apple, du site d'informations R7 Noticias, racontait, photo à l'appui, sa propre mésaventure: "Aujourd'hui, j'ai été une victime. Un usager du métro a éjaculé sur mon pantalon".
Ce genre de scènes est malheureusement courant en Amérique latine. "Je t'en fais deux de plus", lance-t-on à une femme enceinte. "Tant de viande, et moi je n'ai plus de dents", ose-t-on devant une autre, voluptueuse.
- "Typiquement machiste" -
Au Chili, neuf femmes sur dix disent avoir souffert de harcèlement sexuel dans des lieux publics et, pour 70% d'entre elles, l'expérience a été traumatisante, selon une étude réalisée en 2014 par l'Observatoire contre le harcèlement de rue (OCAC).
Résultat similaire dans l'enquête publiée en 2014 par l'organisation argentine Accion respeto ("Action respect"): 94% des femmes déclarent avoir reçu des commentaires sexuels dans la rue, et près de 90% d'entre elles ajoutent que cela les dégoûte.
Mais elles ont désormais envie de réagir, explique Fabian Sanabria, anthropologue et professeur de sociologie de l'Université nationale de Colombie, ce qui s'explique par l'émergence d'une génération plus connectée au monde, notamment grâce aux réseaux sociaux.
"Le compliment (dans la rue) est une forme de coquetterie typiquement machiste et latino-américaine", souligne-t-il, mais "ce machisme prend fin à mesure qu'on se trouve dans un monde plus global, plus virtuel, plus cosmopolite".
Association symbolisant ce réveil des femmes latino-américaines, l'Observatoire contre le harcèlement de rue, né au Chili, a essaimé en Uruguay, au Nicaragua, en Colombie, au Pérou, en Argentine, au Salvador.
Pour la présidente de la branche chilienne, Maria Francisca Valenzuela, les réseaux sociaux ont joué un rôle fondamental dans ce sursaut, car on y trouve "principalement des jeunes, celles qui sont les plus vulnérables au harcèlement sexuel de rue".
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