Opérations escargots, blocages des gares et des aéroports, voitures de transport avec chauffeur (VTC) prises pour cible: plus d'un millier de taxis en colère dénoncent jeudi en France la "concurrence sauvage" de l'application mobile UberPOP, créant d'importantes perturbations.
"Le but c'est d'occuper l'espace, parce qu'il y a un vrai ras-le-bol", explique Karim Asnoun, de la CGT. "La base attend de nous des messages forts, on est obligé de passer par cette étape de la radicalité", ajoute Abdel Ghalfi (CFDT).
A Roissy, les accès à trois terminaux (2E, 2F et 2D) étaient bloqués et la circulation perturbée, comme dans plusieurs quartiers de Paris.
Porte Maillot, des taxis ont pris d'assaut et incendié les vans de deux conducteurs de VTC, provoquant l'intervention des CRS et des pompiers, dans une odeur âcre de fumée, avec claquement de pétards et fracas de poubelles renversées.
Les accès à la gare du Nord comme à la gare de Lyon étaient bloqués par des dizaines de voitures, dont celle d'Olivier Noblot, taxi depuis 22 ans, "prêt à revenir tous les jours s'il le faut et à bloquer Paris".
L'ambiance était tendue à Orly où de nombreux grévites faisaient la chasse aux chauffeurs clandestins, sous le regard attentif des forces de l'ordre.
A Toulouse et à Lyon, des taxis bloquaient l'accès à la gare et à l'aéroport. "Pourquoi pas demain des Uber plombier, Uber électricien? Et tout le monde fera n'importe quoi, la sécurité elle sera où?", s'interroge à Lyon Gérald Giraud.
A Marseille, la mobilisation perturbait la circulation, en ville et vers l'aéroport. "Quand on ne s'acquitte d'aucune charge sociale, c'est facile de faire des courses à 3 ou 4 euros", dénonce Gilles Alonso, du syndicat Alliance Taxi 13.
- "C'est la chienlit aujourd'hui, franchement" -
A Bordeaux, une centaine de taxis stationnaient autour du Palais de justice. "Les chauffeurs UberPOP sont interdits, mais ils sont toujours là!", déplore Stéphane Molla, taxi depuis une trentaine d'années.
Le mouvement des taxis recueille un large écho dans la classe politique. "On ne peut pas laisser les chauffeurs de taxi victimes de la loi de la jungle", a déclaré le président socialiste de l'Assemblée, Claude Bartolone, tandis que Les Républicains dénonçaient la "concurrence déloyale" d'UberPOP.
Seul l'ancien Premier ministre de droite François Fillon, a jugé que "c'est la chienlit aujourd'hui, franchement".
Depuis plusieurs mois, le groupe américain des VTC Uber s'est engagé dans un bras de fer avec l'Etat, autour de son application mobile UberPOP, un service à prix cassés qui met en relation des passagers et des conducteurs non professionnels assurant le transport avec leurs véhicules personnels.
Uber revendique 400.000 utilisateurs d'UberPOP en France, où le nombre des taxis est faible. Mais ses chauffeurs sont des particuliers qui ne paient ni cotisations sociales ni impôts, n'ont pas suivi les 250 heures de formation nécessaires pour obtenir un agrément et ne sont pas assurés professionnellement.
Les syndicats de taxis ont appelé au "calme", alors que le climat s'est tendu avec plusieurs agressions récentes de clients ou de chauffeurs UberPOP. Craignant que ses chauffeurs professionnels soient assimilés à des conducteurs UberPOP, la société de VTC Allocab avait même demandé à ses employés de ne pas mettre de costume jeudi et de faire asseoir leurs clients à l'avant.
L'Intérieur avait rappelé mardi qu'UberPOP était en "situation d'illégalité absolue". Et le procureur de Paris a promis de "rehausser le niveau de la réponse pénale, notamment à l'égard des réitérants et des récidivistes".
Uber est visé depuis fin 2014 par une enquête préliminaire à Paris, pour organisation illégale d'un "système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent au transport routier" de passagers "à titre onéreux".
Aux termes de la loi Thévenoud, les conducteurs qui ne sont pas enregistrés comme chauffeur de taxi ou VTC encourent jusqu'à un an de prison, 15.000 euros d'amende, la suspension du permis et la confiscation du véhicule.
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