Le procès de Dominique Cottrez, qui comparaît pour octuple infanticide une semaine durant devant les assises du Nord à Douai, a débuté jeudi avec l'émotion manifeste de l'accusée, en pleurs.
L'ancienne aide soignante de 51 ans, placée sur une chaise et non dans le box des accusés, s'est présentée la voix brouillée par l'émotion au micro de la Cour.
Cheveux coupés courts et lunettes rectangulaires vissées sur le nez, sa ronde silhouette enveloppée dans un long gilet gris, elle était en pleurs avant même le début de l'audience.
Dominique Cottrez comparaît pour avoir étranglé dans le secret à partir de 1989 huit de ses bébés à la naissance, des crimes inédits en France par leur ampleur.
A la suite du tirage au sort des jurés - cinq hommes et quatre femmes -, l'audience a été le théâtre d'un débat à l'initiative de Me Frank Berton, avocat de la défense, sur la pertinence de la constitution de partie civile de l'association "Innocence en danger", qui a finalement été jugée irrecevable par la cour.
L'association dit sur son site internet avoir pour but la protection des "enfants contre toutes formes de maltraitance, notamment la maltraitance sexuelle", mais Me Berton, et l'avocat général Eric Vaillant à sa suite, ont contesté que son objet en 2000 (année du dernier infanticide), mentionnant la lutte contre "l'exploitation" des enfants, ait un rapport avec le procès.
"Chaque fois, j'espérais que le bon Dieu fasse quelque chose, un miracle. Que quelqu'un me dise +tiens, tu es enceinte+. Peut-être que j'aurais parlé, que ça m'aurait fait un déclic et qu'on m'aurait soignée". Les mots sont de Dominique Cottrez, interrogée en janvier par la presse locale.
Le "déclic" a fini par survenir de l'extérieur, lorsque le 24 juillet 2010, le nouveau propriétaire de la maison d'enfance de Dominique Cottrez à Villers-au-Tertre (Nord) déterre du jardin le macabre secret: deux cadavres de nourrissons en état de putréfaction dans des sacs plastiques. Les six autres cadavres seront ensuite trouvés au domicile de la mère de famille.
Le procès aura pour ligne directrice de faire la lumière sur les mécanismes qui mènent une mère à reprendre la vie qu'elle vient de donner.
Il devrait être d'autant plus complexe que les experts dressent un portrait psychologique contrasté de Mme Cottrez. Ainsi, avait-elle conscience de commettre des crimes ou était-elle soulagée de cette sorte d'avortement tardif?
- 'C'était une bonne mère' -
"Elle était prisonnière d'une spirale psychique. Pour elle, ses enfants n'avaient aucune identité, ils n'étaient que le fait du rapport incestueux avec le père", a déclaré Me Berton à son arrivée au Palais de justice, en référence à l'un des coups de théâtre de l'instruction, quand Mme Cottrez avait relaté sa relation avec son père mort en 2007, relation qui s'est poursuivie après son mariage.
Les expertises ont toutefois révélé que les enfants décédés étaient tous de son époux.
Sera aussi questionnée la personnalité immature et complexée de l'accusée, selon une expertise.
"Je me réjouis de la tenue de ce procès, mais il ne faut pas compter sur lui pour comprendre comment fonctionnent les mères meurtrières", prédit Me Rodolphe Costantino, avocat de l'association "Enfance et partage", constituée partie civile.
Pour autant, "qu'on ne parle pas de déni de grossesse, c'est un déni d'enfant: madame Cottrez a utilisé l'assassinat comme moyen de contraception", souligne Me Yves Crespin, avocat de l'association L'Enfant bleu-Enfance maltraitée, partie civile au procès.
Celui-ci concède toutefois que le rôle de seule gestionnaire du foyer dévolu à Dominique Cottrez a pu alimenter l'indifférence familiale: "Du moment qu'elle préparait bien la gamelle du mari, ça suffisait. C'est terrible à dire mais c'était une bonne mère".
Il s'agit au final pour Me Costantino d'éviter "deux écueils" face à ces infanticides "presque ritualisés": "le sentiment de révolte absolue disant +si les mères tuent leurs propres enfants comme des animaux, c'est la fin de l'humanité+; et le mouvement compassionnel disant: +il faut être tellement en souffrance pour en arriver là+".
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