Entre horreur et compassion, le procès de Dominique Cottrez qui s'ouvre jeudi devant la cour d'assises du Nord devra trouver la clé qui permette de saisir comment cette mère a pu assassiner huit nouveaux-nés à partir de 1989 et le cacher à sa famille pendant deux décennies.
Le 24 juillet 2010, alors qu'il bêche dans son jardin de Villers-au-Tertre (Nord), Léonard Mérieux, qui vient de racheter la maison des parents de Mme Cottrez, déterre un macabre secret: deux cadavres de nourrissons en état de putréfaction dans des sacs plastiques.
Leur mère, Dominique Cottrez, une aide-soignante de 46 ans, indique aux enquêteurs avoir stocké chez elle d'autres corps de bébés tués à la naissance, sans pouvoir dire combien. On en trouvera six, et l'affaire, celle de "l'octuple infanticide", sera alors propulsée dans une dimension encore inédite en France.
A partir de 1989, à chaque grossesse, prenant des congés ou profitant des déplacements professionnels de son mari, Dominique Cottrez se rendait dans la salle de bains où étaient préparées des serviettes, pour y accoucher et étrangler à mains nues le nouveau-né, qu'elle plaçait ensuite dans un sac-poubelle.
Son époux, Pierre-Marie Cottrez, ainsi que ses deux filles, pouvaient-ils ignorer ces bébés, entreposés tour à tour dans le panier à linge, les placards et le garage de la maison familiale ? La question a été l'un des grands volets de l'instruction avant que celle-ci ne conclue au non-lieu les concernant.
L'obésité de Dominique Cottrez aurait rendu toute grossesse indécelable, même pour les médecins. A leur domicile, la fenêtre de la chambre des parents, où étaient entreposés plusieurs des cadavres, était souvent ouverte pour aérer.
La gestion du foyer, essentiellement dévolue à la mère, aurait permis une certaine indifférence généralisée: "Du moment qu'elle préparait bien la gamelle du mari, ça suffisait. C'est terrible à dire mais c'était une bonne mère", décrypte Me Yves Crespin, avocat de l'association L'Enfant bleu-Enfance maltraitée, partie civile au procès.
- 'L'assassinat comme moyen de contraception' -
Dominique Cottrez a au cours des auditions invoqué l'humiliation de sa première grossesse connue, ou encore la crainte que les bébés soient de son propre père, avec qui elle aurait entretenu une relation incestueuse depuis l'enfance jusqu'à sa mort en 2007.
Interviewée par la Voix du Nord, Dominique Cottrez se défendait: "Chaque fois, j'espérais que le bon Dieu fasse quelque chose, un miracle. Que quelqu'un me dise +tiens, tu es enceinte+. Peut-être que j'aurais parlé, que ça m'aurait fait un déclic et qu'on m'aurait soignée".
"Elle mettait au monde non pas des bébés mais des bouts d'elle-même, dont toutefois elle ne pouvait se séparer", analyse Me Marie-Hélène Carlier, l'un de ses avocats. Elle rappelle d'ailleurs que Dominique Cottrez avait gardé les corps près de son lit pendant de nombreuses années et compte plaider la "dénégation de grossesse".
Me Crespin, lui, martèle : "Qu'on ne parle pas de déni de grossesse, c'est un déni d'enfant: madame Cottrez a utilisé l'assassinat comme moyen de contraception", assure l'avocat. Le passage à la barre des experts, qui ont divergé sur ce thème pendant l'instruction, devrait être un moment clé du procès.
"On voudrait comprendre car juger c'est comprendre, mais au bout du compte on n'aura pas compris grand-chose et la seule certitude avec laquelle on sortira sera les actes commis", prédit de son côté Me Rodolphe Costantino, conseil de l'association "Enfance et partage", constituée partie civile.
Pour l'avocat, il s'agit dès lors d'éviter "deux écueils" face à ces infanticides "presque ritualisés": "le sentiment de révolte absolue disant +si les mères tuent leurs propres enfants comme des animaux, c'est la fin de l'humanité+; et le mouvement compassionnel disant: +il faut être tellement en souffrance pour en arriver là+".
Pierre-Marie Cottrez et les deux filles du couple se constitueront probablement partie civile, prévient leur avocat, Pierre-Jean Gribouva: "Les associations, qui tiendront un discours qui va rejoindre celui du ministère public, n'ont pas plus de légitimité que la famille".
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