"Tout n'est pas à vendre", a expliqué mercredi Martin Bouygues pour justifier le refus du groupe Bouygues de céder sa filiale télécoms au patron d'Altice, Patrick Drahi. Quant à la Bourse elle sanctionnait le secteur des télécoms qui va devoir se résigner à un statu quo à quatre opérateurs.
Malgré une offre alléchante de quelque 10 milliards d'euros d'Altice, maison-mère de l'opérateur Numericable-SFR, bien supérieure à la valorisation estimée de Bouygues Telecom, le conseil d'administration du groupe Bouygues a rejeté unanimement mardi soir cette perspective mettant en avant des risques d'exécution trop importants et la sauvegarde des emplois.
L'action Bouygues dévissait de 7,56% à 11H15 à la Bourse de Paris, et Numericable-SFR encore de 9,92%. Iliad, maison mère de l'opérateur Iliad (Free) cédait 6,05% et Orange plus modestement 2,47%, après avoir néanmoins emmagasiné d'importants gains au cours des dernières séances.
Les opérateurs concurrents de Bouygues Telecom espéraient tous grâce à ce projet de rapprochement un retour à trois opérateurs télécoms en France, et donc un affaiblissement de la concurrence, qui aurait regonflé leurs marges.
La fébrilité en Bourse autour des valeurs télécoms devrait maintenant retomber "au regard de cette réponse claire et précise de Bouygues synonyme du maintien d'une forte concurrence dans le mobile et le fixe en France", commentent les stratégistes du courtier Aurel BGC.
- "Camouflet" -
"Il s'agit en outre d'un camouflet sévère pour Patrick Drahi", observent-ils.
Bouygues a opposé un "non" ferme à l'offre du magnat des télécoms et des médias. "Je considère qu'une entreprise ce n'est pas une marchandise comme une autre, tout n'est pas à vendre", a dit le PDG de Bouygues interrogé sur RTL.
Le fondateur de la filiale télécom a affirmé qu'"il n'y a pas eu de pression politique" dans cette décision. "Ils m'ont laissé assumer le choix que je devais faire", a-t-il dit confirmant par ailleurs avoir été reçu par le président François Hollande mardi.
Interrogé par l'AFP, le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, qui ne s'était pas montré favorable à un tel rapprochement, a pris acte de la décision de Bouygues, ne souhaitant pas commenter "une décision d'une société privée".
Le gouvernement s'était alarmé des risques pour l'investissement et pour l'emploi que présentait l'opération, alors qu'elle menaçait en outre de faire dérailler la mise aux enchères des fréquences 700 Mhz qui doivent apporter plus de deux milliards d'euros au budget.
Martin Bouygues a émis des doutes sur la solidité de la proposition d'Altice: "Je ne vois pas comment M. Drahi pourrait monter un financement sérieux et en même temps pouvoir assumer tous les remèdes" qui seraient imposés par l'Autorité de la concurrence, a-t-il noté.
Il y avait "un acheteur mais visiblement pas de vendeur, donc pas de projet", a observé Sébastien Soriano, le président de l'Arcep, mercredi, soulignant que le régulateur des télécoms n'avait pas de chiffre magique, 3 ou 4" opérateurs sur le marché en France.
Martin Bouygues estime que la filiale télécom peut continuer à se développer de façon autonome. "Nous avons recréé un projet d'entreprise pour Bouygues Telecom avec beaucoup de sacrifices de la part des salariés", a-t-il relevé.
"Depuis six mois dans le mobile nous avons une conquête de nouveaux clients qui est devenue forte, et dans le fixe avec notre offre à 19,99 euros, qui je reconnais déstabilise nos concurrents", a-t-il rappelé.
Pourtant les analystes et les acteurs du secteur doutent de la solidité de l'opérateur, toujours en perte au premier trimestre, et estiment qu'il pourrait devoir réduire encore ses effectifs après un plan de départs de 1.400 salariés déjà réalisé.
Le prix de l'offre "paraissait inespéré", juge pour sa part un courtier parisien souhaitant conserver l'anonymat. "L'histoire n'est peut-être pas terminée car la pérennité de Bouygues Telecom en +standalone+ nous paraît compromise", ajoute-t-il.
Ce n'est sans doute pas la fin des tentatives de rapprochement dans le secteur, au moins pour Altice dont la direction avait dit clairement, en mai, son intention de regarder toute opportunité d'acquisition en Europe ou aux Etats-Unis.
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