Le Parlement va adopter définitivement mercredi soir, par un ultime vote de l'Assemblée, le projet de loi controversé sur le renseignement, défendu notamment au nom de la lutte antiterroriste par le gouvernement mais qui légalise des pratiques contestables des services selon ses détracteurs.
Les députés vont adopter le texte dans les mêmes termes que les sénateurs mardi en adoptant un amendement du gouvernement supprimant une disposition permettant de surveiller les étrangers de passage en France sans saisir l'instance de contrôle.
La disposition contestée avait été introduite à la demande du rapporteur du texte à l'Assemblée, le socialiste Jean-Jacques Urvoas, lors de la commission mixte paritaire (CMP) qui a abouti à un accord entre les deux chambres.
En première lecture, les députés avaient adopté le texte à une très large majorité gauche-droite de 438 voix contre 86, avec des dissidents sur tous les bancs cependant (35 ex-UMP et 10 socialistes avaient ainsi voté contre).
Le projet de loi définit les missions des services de renseignement (de la prévention du terrorisme à l'espionnage économique), ainsi que le régime d'autorisation et de contrôle des techniques d'espionnage (écoutes, pose de caméra ou de logiciel-espion, accès aux données de connexion, etc.).
Selon Manuel Valls, ce texte permettra aux services de renseignement d'être "le plus efficaces possible face à la menace terroriste mais aussi dans la lutte contre la grande criminalité ou contre l'espionnage économique".
- Hollande saisit le Conseil Constitutionnel -
Face à la controverse suscitée par ce texte, critiqué par de nombreuses ONG, syndicats de magistrats et de journalistes notamment, François Hollande avait annoncé par avance qu'il saisirait lui-même - fait inédit - le Conseil constitutionnel, au terme de la navette parlementaire, pour apporter la "garantie" que ce texte est "bien conforme" à la Constitution.
Des députés de droite, auquel pourraient s'associer des écologistes, entendent également saisir le Conseil constitutionnel pour poser leurs propres questions, indépendamment de la saisine de M. Hollande.
En première lecture, les élus Front de Gauche avaient voté contre, tout comme une majorité du groupe écologiste. Ils relayaient ainsi les craintes de la Cnil (Comission nationale de l'informatique et des libertés), du Défenseur des Droits Jacques Toubon, de syndicats de magistrats ou d'acteurs du numérique, sur les pouvoirs "exorbitants" donnés aux services.
Un point en particulier a cristallisé les débats: la mise en place, sur les réseaux des opérateurs, d'outils d'analyse automatique (un algorithme) pour détecter par une "succession suspecte de données de connexion" une "menace terroriste", un dispositif qualifié de "boîte noire" par ses détracteurs qui le comparent aux pratiques de "surveillance généralisée" de la NSA américaine.
En revanche, le rapporteur met en avant le renforcement du contrôle des services avec la création d'une "Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement". Elle donnera un avis préalable à chaque mise en ?uvre de ces techniques, sauf en cas d'urgence, et pourra saisir le Conseil d?État en cas d'abus.
"Notre pays ne sera bientôt plus la seule démocratie à ne pas disposer d'un texte encadrant les pratiques des services de renseignement", argumente M. Urvoas.
En CMP, députés et sénateurs sont arrivés à un compromis pour retirer la possibilité à l'administration pénitentiaire de recourir aux techniques de renseignement, suivant en cela l'avis de la garde des Sceaux Christiane Taubira.
Sur la question de la durée de conservation des renseignements collectés, la CMP a retenu, pour le calcul des délais, le point de départ choisi par le Sénat (le recueil des renseignements) plutôt que celui qui avait été choisi par l?Assemblée (la première exploitation). Un compromis a été trouvé sur les durées de conservation: 30 jours pour les correspondances interceptées, 120 jours pour la captation d?images ou de données informatiques et 4 ans pour les données de connexion.
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