Avec le même regard distancié qu'il a porté sur le peuple des Herreros de Namibie ou les hommes de la Légion étrangère, le photographe Charles Fréger s'est pris de passion pour les costumes et coiffes de Bretagne, une série exposée dans quatre villes bretonnes pendant tout l'été.
Dans ce travail, "la coiffe est au centre de l'image. Chacune a sa spécificité. Certaines sont très belles de face, d'autres le sont plutôt de dos", explique le photographe à l'AFP. "Ensuite, il faut gérer pour chacune la transparence, l'opacité. Chacune apporte ses contraintes techniques".
Comme les costumes, les coiffes, qui ne sont plus portées que dans les fêtes, les festivals ou les pardons, sont en elles-mêmes un univers : "certaines cachent les cheveux quand d'autres font briller les femmes. Elles indiquent les classes sociales, le rang, les étapes de la vie, des circonstances de la vie sociale", travail ou cérémonie, commente Charles Fréger qui s'est beaucoup documenté avant d'entamer cette recherche.
Pour cette série, le photographe a travaillé avec "plus de cinquante cercles" celtiques de la Bretagne historique - incluant la Loire-Atlantique - entre 2011 et 2014.
Ces cercles, où chacune des modèles d'un jour danse tout au long de l'année, "sont un monde très vivant. J'y vois un grand dynamisme, il s'y passe beaucoup de choses. Ce sont des lieux dans lesquels on réfléchit, on discute", constate-t-il. "Ces jeunes femmes sont très impliquées dans la danse, le port du costume, elles fabriquent parfois elles-mêmes leurs coiffes, repartent d'un dessin pour les reconstituer. Elles interprètent et c'est ça qui est beau".
Mises en scène, les prises de vue ont été réalisées en extérieur, en pose, dans des conditions de studio avec l'usage du flash.
- Passerelle entre deux mondes -
Pour mettre en valeur la tenue, et bien dissocier la silhouette du fond de l'image, le photographe a eu recours à un écran de soie qui a la particularité de légèrement blanchir l'arrière-plan. Du fait sans doute de ce dispositif, nombre de ces photographies s'apparentent à des tableaux avec la jeune femme en costume en premier plan, dans une expression souvent altière et, en arrière-plan, un paysage ou d'autres personnages en costume auxquels la magie de l'écran apporte, outre une grande délicatesse, une part de rêve ou d'illusion.
Entre le modèle bien contemporain du premier plan et, en retrait, ces silhouettes fragiles et fugitives, comme échappées d'un autre temps, naît la perception d'une passerelle entre deux mondes.
A l'origine de ce travail, le centre d'art et de recherche Gwin Zegal, à Guingamp, où le photographe avait été accueilli une première fois en résidence à l'automne 2011. "Je l'avais invité pour un travail sur les joueurs de foot et les jeunes du club En Avant de Guingamp. Il a commencé avec eux et, un jour, il a vu passer dans la rue des jeunes filles en costume et ça a été le déclic", se souvient Paul Cottin, fondateur et directeur de Gwin Zegal, avec lequel Charles Fréger a continué de cheminer pour ce projet.
Quatre villes en Bretagne proposent pendant l'été quatre versions de "Bretonnes". A Guingamp sont présentés 35 portraits en grand format, avec une sélection de portfolios réalisés entre 2002 et 2013 aux quatre coins du monde. A Pont-L'Abbé (Finistère), le Musée Bigouden propose une exposition-laboratoire autour de la question: "sommes-nous folkloriques?". A Rennes, le Musée de Bretagne présente 70 photographies et des coiffes issues de ses collections. Enfin, à Saint-Brieuc, le Musée d'Art et d'Histoire intègre des portraits réalisés parmi les cercles des Côtes d'Armor au sein de ses salles dédiées au costume dans la vie quotidienne.
Parallèlement à ces expositions, la série "Bretonnes, appelée à voyager à l'étranger, fait l'objet de deux livres:
- en français: "Bretonnes" (Actes Sud), introduit par une nouvelle de Marie Darrieussecq, 260 pages, 35 euros.
- en anglais: "Portraits in lace, Breton women" (Thames and Hudson).
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousA lire aussi
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.