Patrick Drahi, le président et fondateur d'Altice, la maison mère de l'opérateur Numericable-SFR, est arrivé mardi à Bercy, sans faire de commentaires, pour rencontrer le ministre de l'Economie alors que le conseil d'administration de Bouygues commençait à examiner son offre de rachat de Bouygues Telecom.
Ce n'est pas la première fois que cet opérateur fait l'objet d'une offre de la part de ses concurrents mais elles ont toutes été rejetées par Martin Bouygues jusqu'à présent. "Vous vendriez votre femme, vous?" avait-il répondu, à ce sujet, en présentant les résultats du groupe en février dernier.
Difficile de savoir si le conseil d'administration du groupe repoussera cette fois une offre qui valorise sa filiale des télécoms à 10 milliards d'euros minimum, selon un source proche du dossier, une valeur bien supérieure à celle donnée par la majorité des estimations.
En attendant que Bouygues donne sa réponse, Patrick Drahi, l'insatiable patron d'Altice, à la tête d'un empire dans les télécoms mais aussi dans les médias (L'Express, Libération), était reçu à Bercy par le ministre de l'Economie Emmanuel Macron.
"Je n'ai pas de religion sur la question de savoir s'il faut trois ou quatre opérateurs en France", a indiqué M. Macron mardi lors de la conférence annuelle de l'Electronic Business Group (EBG), ce qui pourrait signaler un infléchissement du gouvernement sur le sujet.
Lors des questions au gouvernement, le ministre de l'Economie a ensuite précisé sa pensée: "c'est une offre qui vient trop vite, nous n'avons pas évalué à ce jour les résultats et les conséquences de l'offre de Numericable sur SFR et nous avons des doutes en matière d'emploi, en matière de délai de paiement, par rapport aux engagements tenus".
Dès lundi, le directeur général de Numericable-SFR avait tenté de répondre à ces objections, également soulevées par le Premier ministre Manuel Valls, en assurant que ce projet se faisait "au bénéfice de l'investissement et des consommateurs".
"La réunion de nos deux réseaux va nous permettre de donner un coup d?accélérateur aux investissements dans le très haut débit fixe et mobile sur tout le territoire", a expliqué Eric Denoyer, rappelant les engagements sur l'emploi pris lors du rachat de SFR, "nous les avons intégralement respectés (). Si nous nous rapprochons de Bouygues Telecom, la méthode sera identique".
- Une opération bénéfique pour le secteur -
Favorable à une concentration dans le secteur, PDG d'Orange, Stéphane Richard, a rappelé, dans une interview accordée la semaine dernière et publiée mardi dans le Financial Times que "c'est un sujet pour l'Autorité de la concurrence, le gouvernement n'a vraiment pas les outils en mains pour l'empêcher".
Une consolidation dans le secteur est jugée bénéfique par la majorité des analystes.
Pour Moody's, une telle opération a du "sens en terme de stratégie" pour Numericable-SFR et "offre la possibilité de réaliser d'importantes réductions de coûts en terme de doublons et de structure organisationelle".
Parmi les professionnels, les opérateurs virtuels (MVNO), qui ne disposent pas de réseau en propre, ne veulent pas être laissés de côté, alors que le groupe Iliad, maison-mère de Free, a indiqué être entré en "négociations exclusives" avec Numericable-SFR pour récupérer une partie des fréquences, antennes et boutiques de Bouygues Telecom en cas de succès de l'opération.
Les syndicats des deux opérateurs sont très inquiets et ont mis en garde contre les conséquences sur l'emploi, en raison de "doublons à la pelle" entre Numericable-SFR et Bouygues Telecom.
La solution pourrait passer par l'implication d'Orange dans l'opération, estime la maison de courtage Nomura, qui rappelle que le groupe prévoit 5.000 départs à la retraite par an en France à moyen terme, qu'il pourrait en partie compenser en reprenant des salariés de Bouygues Telecom.
L'offre, si elle aboutit, chamboulera à nouveau le paysage des télécoms français et surtout celui de la téléphonie mobile. Le secteur avait été secoué en janvier 2012 en passant de trois à quatre opérateurs avec l'arrivée de Free, qui avait lancé une féroce guerre des prix et rebattu les cartes en termes de parts de marché.
En mars 2014, Patrick Drahi - quasiment inconnu à l'époque - avait à son tour défrayé la chronique en s'emparant de SFR, rachetée à Vivendi, à l'issue d'une longue bataille contreBouygues Telecom.
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