Sur le papier, le compte semble y être : mais pour satisfaire aux normes budgétaires de ses créanciers, la Grèce a préféré les hausses d'impôts aux baisses de dépenses, ce qui inquiète les économistes sur la viabilité de ces mesures.
La mission confiée aux Grecs par leurs créanciers (UE, FMI, BCE) est claire : réaliser un excédent budgétaire primaire (c'est-à-dire le solde budgétaire hors charge de la dette) de 1% du PIB en 2015 et de 2% du PIB en 2016. Pour y parvenir, les créanciers exigent des mesures équivalant à 1,5% du PIB cette année, et 2,5% l'an prochain.
Athènes a renâclé, mais a fini par présenter lundi un projet dépassant même la demande : 1,51% de PIB de mesures cette année, et 2,87% l'an prochain, pour un total de pratiquement 8 milliards d'euros.
Des propositions "parfaitement en ligne avec les demandes des créanciers, bien plus solides et facilement quantifiables que les précédentes", se réjouissait Platon Monokroussos, chef économiste de la banque grecque Eurobank.
Le problème, relève Jacob Funk Kirkegaard sur le site du Peterson Institute for International Economics, est que "7,3 milliards d'euros, soit 93% du total des mesures, viennent de hausses d'impôts et de contributions sociales" pour les deux années à venir, et pas de baisses de dépenses.
Les économies viendront seulement de restrictions sur la possibilité de prendre sa retraite anticipée (360 millions d'euros) et d'une réduction de 200 millions des dépenses de défense, selon des chiffres cités par M. Monokroussos.
Pour le reste, c'est un festival de hausses d'impôts pour 2015 et 2016 : 2,04 milliards d'euros pour la TVA, 2,17 milliards de hausse de cotisations sociales, et surtout, hausse de 2,53 milliards d'euros des taxes sur les entreprises, notamment via un passage de 23 à 26% du taux de l'impôt sur les sociétés l'an prochain.
D'autres taxes, notamment sur le luxe ou les licences télé, complèteraient l'ensemble pour un total de 904 millions d'euros.
Ces propositions "sont beaucoup trop lourdes sur les taxes, et les mauvaises taxes en général, comme celles sur les entreprises, et pas assez sur les vraies réformes", résumait Erick Nielsen d'Unicredit.
- Extraire le jus d'un citron déjà pressé -
A la Commission européenne mardi matin, on ne cachait pas s'inquiéter aussi des propositions concernant les entreprises, "qui pourraient envoyer un mauvais signal d'instabilité fiscale".
Ces remarques prennent encore plus de poids s'agissant d'une Grèce déjà frappée par une violente crise, car, soulignait Michael Hewson, de CMC Markets, "il ne faut pas avoir fait de grandes études d'économie pour savoir qu'augmenter les impôts quand la demande baisse, c'est comme tenter d'extraire du jus d'un citron déjà pressé".
La Grèce, à peine sortie d'une récession de six ans qui lui a fait perdre un quart de sa richesse, se trouve "dans une situation conjoncturelle très dégradée depuis le début de l'année", observaient ainsi les économistes de l'OFCE, notamment en raison des incertitudes que font peser sur son économie les interminables discussions avec les créanciers.
Alexander Kritikos, de l'institut de recherches berlinois DIW, notait aussi que tout ce qui rabote le pouvoir d'achat "est bien sûr négatif et que le moment est évidemment très mal choisi". Ce sera "un instrument de démolition du tissu productif du pays", se lamentait la fédération grecque des petites entreprises (GSVEE).
Pour Jacob Funk Kirkegaard, de surcroît, les propositions grecques sont "plus proches des impératifs idéologiques" du Premier ministre Alexis Tsipras "que des besoins économiques de la Grèce". Et il se demandait si elles seraient facilement acceptées, venant d'un pays "notoirement connu pour avoir du mal à collecter les impôts".
Matthias Kullas, du Centre de Politique Européenne à Fribourg (Allemagne), trouvait pour sa part les propositions "relativement équilibrées, pénalisant les riches, coupant dans le budget défense", mais reconnaissait aussi que "le citoyen moyen sera mis à contribution".
Mais pour la plupart de ces analystes, l'heure n'est plus à ces débats. "Là, ce qui compte le plus, c'est un accord", remarquait M. Kritikos. "Et attendre d'avoir un meilleur accord n'est plus une option", concluait Bank of America Merrill Lynch.
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