La France n'a pas de pétrole mais elle a du lin qui, pour le moment, est destiné à l'industrie textile chinoise. Mais sa possible utilisation dans des matériaux composites, made in France, qui remplaceraient les dérivés de la pétrochimie, se précise.
Les premiers industriels à s'être convertis à la fibre de lin sont les fabricants d'articles de sport: des skis et des raquettes sont déjà élaborés avec cet agrocomposite prometteur.
Mais ce n'est qu'un début, veulent croire la trentaine de partenaires de FiMaLin, l'association créée en 2009 en Haute-Normandie, visant à structurer une filière du "lin technique", bien à part de la filière textile, destination principale des fibres de lin, et de la production oléagineuse qui exploite les fameuses graines de lin, riches en Oméga-3, des acides gras anticholestérol.
"Nous avons l'espoir que dans deux à trois ans nous aurons surmonté tous les aléas de la R&D (recherche et développement) pour être en mesure de faire homologuer de nouveaux matériaux" à base de fibres de lin, assure Marc Audenaert, vice-président de FiMaLin et responsable Recherche chez Arkéma, premier groupe chimique français.
La fibre de lin pourra alors être utilisée pour l'aménagement intérieur des avions, par exemple dans le domaine des coques de sièges, ou pour celui des voitures, en particulier les planchers de coffres.
Avec la fibre de lin, bien plus légère mais tout aussi résistante que la fibre de verre ou de carbone employées dans les matériaux composites, le gain de poids serait conséquent pour l'aéronautique, l'automobile ou le nautisme et assurerait donc une moindre consommation de carburant.
Biodégradable, peu consommateur d'énergie, récolté et transformé en France, cet agrocomposite semble tout désigné pour accompagner le développement durable.
"Progressivement, l'industrie chimique cherche à sortir du pétrole, une ressource qui va s'épuiser, et se tourne vers le végétal", explique M. Audenaert.
- Culture très technique -
"Il y a encore quelques années, des industriels venaient nous voir pour passer un peu de peinture verte sur leurs produits, maintenant ils viennent pour les performances des fibres de lin", constate Jean-Paul Trouvé, responsable de la recherche pour Terre de lin, la plus grande coopérative de producteurs, située dans le pays de Caux en Haute-Normandie, première région de production en France.
Selon lui, la France, qui consacre environ 80.000 hectares à la culture des fibres de lin, peut aisément accroître ses surfaces cultivables dans sa région de production du nord-ouest.
"On pourrait aussi, si besoin, réintroduire le lin en Bretagne, dans le Finistère, où il a été cultivé dans le passé", dit-il.
La culture très technique du lin - et très rémunératrice pour les agriculteurs - nécessite un sol limoneux, un climat humide mais aussi du vent de mer qui sèche les fibres après arrachage.
Beaucoup de pays, notamment la Chine ou les Etats-Unis, n'ont pas ces conditions climatiques. D'autres pays, comme la Grande-Bretagne ou l'Irlande, ont abandonné cette culture et n'en ont plus le savoir-faire.
La France représente 80% de la production européenne de lin. Elle l'exporte pour l'essentiel, via le port du Havre, vers la Chine, qui renvoie vers l'Europe les produits finis.
"Pour les débouchés du textile, nous avons perdu toute la valeur ajoutée. Avec les matériaux composites nous la récupérerions", estime Edouard Philippe, dirigeant de l'entreprise Dehondt, située près du Havre, qui construit des machines spécialisées dans la culture du lin.
Mais les liniculteurs, soumis aux aléas climatiques, doivent absolument pouvoir sécuriser l'approvisionnement des industries qui se convertiraient aux fibres de lin.
C'est le rôle de Fiabilin, reconnu pôle de compétitivité par le gouvernement, qui élabore un strict cahier des charges pour transformer un jour cette plante en or bleu, la couleur des champs de lin au mois de juin.
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