Parfois nés en République dominicaine mais n'ayant jamais disposé de papiers officiels, des centaines de milliers d'habitants majoritairement originaires d'Haïti craignent de se faire expulser du pays ce mercredi, à l'expiration d'un processus de régularisation des immigrés.
"Je suis née ici () mais ni mon père ni ma mère n'ont demandé mes papiers. Alors ce que je veux, c'est obtenir (un document) qui puisse m'assurer de ne pas être expulsée vers un pays que je ne connais pas", a confié Karina Charles à l'AFP devant le ministère de l'Intérieur à Saint-Domingue, en charge de l'application du Plan national de régularisation des étrangers (PNRE).
A l'instar de Karina Charles, des milliers de Haïtiens illégaux font la queue durant des heures et parfois sous une chaleur de plus de 35°C pour tenter de s'inscrire à ce Plan, lancé par le gouvernement du président Danilo Medina.
"Cela fait cinq jours que je viens et je n'arrive pas à entrer", confirmait Jean-Claude Jodias, dans la longue file d'attente. Ouvrier dans la construction, il vit à Saint-Domingue depuis 10 ans.
Quand les bureaux du ministère fermeront ce mercredi à 19H00 locales (23H00 GMT), plus rien ne pourra empêcher les expulsions.
Dans la file d'attente, les tensions sont palpables, les bousculades se multiplient, la désinformation et les rumeurs se propagent parmi les aspirants à la régularisation. Les mêmes scènes se répètent devant les autres bureaux ouverts ailleurs dans le pays.
Les Haïtiens constituent la communauté étrangère la plus importante de République dominicaine, voisine de Haïti, mais également la plus pauvre.
Selon un recensement de 2012, ils sont 458.000, soit 87,3% des immigrés et 5,4% de la population totale, travaillant notamment dans l?industrie de la canne à sucre. Seulement 10% d'entre eux sont en situation régulière.
- 200.000 Haïtiens menacés -
Le Plan de régularisation concerne tous les immigrés, dont une minorité de Nord-Américains, de Chinois ou encore de Mexicains.
"Ceux qui n'auront pas intégré le plan de régularisation seront sujets au rapatriement" dans leur pays d'origine, a affirmé mardi à la radio le vice-ministre de l'Intérieur, Washington Gonzalez.
Le gouvernement, qui a déjà préparé plusieurs bus et des centres de rétention pour assurer ces rapatriements, table sur la régularisation de 250.000 étrangers.
Mais le processus semble compliqué : "Depuis novembre, je demande les papiers (d'identité pour s'enregistrer dans le plan de régularisation, ndlr), mais je n'ai pas encore réussi à les avoir", raconte Mariamis Crousef, qui a passé la nuit de lundi à mardi dans la file d'attente avec son bébé de 18 mois.
Comme elle, de nombreuses mères font la queue parfois depuis plusieurs jours avec leurs enfants ou leurs nouveaux-nés.
"Environ 200.000 Haïtiens vont se retrouver dehors", estime Roudy Joseph, coordinateur du Mouvement justice migratoire, qui regroupe des organisations de la communauté haïtienne et des syndicats.
Fin mai, le pape François avait appelé les évêques de la République dominicaine à faire tout leur possible pour que le gouvernement et la population accueillent ces travailleurs immigrés haïtiens.
Les relations entre Saint-Domingue et Haïti sont émaillées de tensions, notamment depuis que la justice dominicaine a déclaré fin 2013 que les descendants d'immigrés clandestins ne pouvaient bénéficier de la nationalité dominicaine, privant de papiers des dizaines de milliers d'enfants et petits-enfants d'Haïtiens partis travailler dans les exploitations agricoles locales au cours du 20e siècle.
Haïti - pays le plus pauvre d'Amérique latine - partage avec la République dominicaine l'île caribéenne d'Hispañola. Les problèmes migratoires entre les deux pays se sont encore aggravés après le tremblement de terre qui a ravagé Haïti en janvier 2010, faisant 200.000 morts et un million de déplacés.
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