Posant aux côtés du mastodonte Sudan, les quatre fiers "Guerriers massaï" semblent peu rassurés. C'est pour attirer l'attention sur ce rhinocéros, ultime mâle de sa sous-espèce, que leur équipe de cricket participe à un tournoi de charité en pleine savane sauvage, dans la réserve kényane d'Ol Pejeta.
L'équipe kényane des "Guerriers massaï" manie la batte en costume traditionnel et se sert du cricket pour délivrer dans les écoles divers messages, sur le sida, l'excision, les mariages précoces au sein de cette communauté très traditionnelle et patriarcale de la région de Laikipia, au centre du Kenya.
Dimanche, elle jouait pour attirer l'attention, au-delà des frontières kényanes, sur le sort de Sudan, dernier rhinocéros blanc du Nord mâle au monde, qui mastique impassible dans son enclos.
A ses côtés, l'un des Guerriers répète son nom comme une litanie, en tapotant constamment une zone sensible de sa patte arrière, pour qu'il reste calme. L'animal a beau être habitué aux humains, on n'est jamais à l'abri d'un accident.
A 43 ans, Sudan a dépassé l'espérance de vie des rhinocéros et son sperme n'est plus d'une qualité suffisante pour qu'il se reproduise. Les rhinocéros blancs du Nord, dont il ne reste que quatre femelles - deux d'entre elles sont à Ol Pejeta - semblent donc voués à l'extinction, tout comme se sont éteints depuis 2011 leurs cousins rhinocéros noirs d'Afrique de l'Ouest, une sous-espèce dernièrement présente au Cameroun.
- Braconnage -
Le rhinocéros blanc du Nord a été victime de l'explosion ces dernières années du braconnage, au Kenya comme ailleurs, comme les autres sous-espèces. En cause: la demande asiatique en corne de rhinocéros, revendue entre 60 et 80.000 dollars le kilo au marché noir, soit environ deux fois le cours actuel de l'or.
Mais le rhinocéros blanc a également souffert des conflits qui ont ravagé ses territoires traditionnels en Centrafrique, au Tchad, en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud.
Selon le Kenya Wildlife Service (KWS), l'agence chargée de la faune, il reste environ un millier de rhinocéros au Kenya et 59 d'entre eux ont été tués en 2013. Certains experts évoquent toutefois un carnage bien plus important et des chiffres largement sous-estimés.
"Nous voulons attirer l'attention sur le sort de Sudan et des quatre autres rhinocéros blancs du Nord encore vivants afin de pouvoir récolter des fonds", explique Richard Vigne, directeur de la réserve d'Ol Pejeta.
C'est pourquoi il a organisé un tournoi de cricket appelé "Last male standing" (Dernier mâle encore debout), avec Last Man Stands, une fédération mondiale de cricket amateur.
Au détour d'une piste caillouteuse, en contrebas d'une colline, apparaît soudain le terrain de cricket, tracé au milieu d'une vaste étendue de savane sauvage. Autour, girafes, zèbres et buffles vaquent. Pendant le tournoi, un léopard a été capturé et déplacé pour éviter tout accident.
Les quatorze joueurs des "Guerriers massaï", vêtus d'un pagne rouge, arborant ceintures et bracelets aux perles multicolores et chaussés de basket Nike, affrontent trois équipes: le contingent britannique stationné à Nanuyki, à 17 km d'Ol Pejeta, l'Académie de cricket Obuya de Nairobi et la Fondation d'éducation et de cricket d'Afrique de l'Est (EACF).
Certains habitants du village d'Il Polei, dont sont originaires les "Guerriers massaï", travaillent dans la réserve. L'équipe a donc trouvé "normal" de participer à l'événement. "Les gens de la communauté n'aiment pas le braconnage, les braconniers viennent de loin, ils ne sont pas d'ici", explique Francis Meshame, joueur et président de l'équipe.
- Baisse des recettes touristiques -
La sécurité des 132 rhinocéros d'Ol Pejeta coûte environ 1,2 million de dollars chaque année à la réserve, soit 15% de son budget.
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