Le FMI perd patience sur le dossier grec et le fait savoir: l'institution vient de publiquement rappeler ses exigences à Athènes mais également aux Européens, quitte à endosser le rôle du gendarme intransigeant.
Jusque-là, le Fonds monétaire international laissait ses partenaires européens se féliciter de "discussions constructives" avec Athènes sur le train de réformes réclamé en contrepartie du versement de 7,2 milliards de nouveaux prêts.
Mais la succession de réunions bruxelloises infructueuses a poussé le Fonds à changer de ton sous l'impulsion de sa patronne Christine Lagarde, lassée des hésitations européennes et des rebuffades grecques.
La première salve est venue du pourtant très mesuré porte-parole du FMI qui a tapé sur la table jeudi en évoquant des "différences majeures" avec Athènes sur les retraites et la fiscalité. "Nous sommes encore loin d'un accord", avait asséné Gerry Rice.
Quelques jours plus tard, c'est l'économiste en chef du FMI Olivier Blanchard qui est monté au créneau pour appeler les Européens à prendre des "décisions difficiles": consentir à la Grèce un allègement de dette voire un nouveau plan d'aide, que les dirigeants de la zone euro auront bien du mal à vendre à leurs électeurs.
Cette ligne dure, jusque-là confinée dans le huis clos des réunions internationales, n'a pas amélioré la popularité du FMI à Athènes où le Premier ministre grec Alexis Tsipras a dénoncé mardi la "responsabilité criminelle" de l'institution.
Elle a également réveillé des tensions lancinantes avec l'Europe qui avait, à contre-coeur, associé en 2010 le FMI au plan d'aide à la Grèce sur l'insistance de l'Allemagne.
"Cela a été une erreur d'inviter le FMI à la table des négociations. Angela Merkel l'a souhaité à l'époque, et elle a eu tort car ce problème aurait dû rester dans la famille européenne", a déclaré le député européen français Alain Lamassoure au quotidien les Echos.
- Crédibilité -
En portant ses griefs sur la place publique, le FMI savait qu'il deviendrait une cible de choix. Mais l'institution était convaincue de ne plus avoir d'autre alternatives à l'heure où des échéances cruciales se rapprochent, notamment la fin de l'actuel plan européen à la Grèce le 30 juin.
"Le FMI veut intensifier la pression sur les Européens. On s'approche de la fin du jeu et chacun brûle sa dernière cartouche", indique à l'AFP Andrea Montenino, qui représentait notamment l'Italie au conseil d'administration du FMI jusqu'en 2012.
Depuis plusieurs années, la querelle sur la dette empoisonne les relations entre les créanciers de la Grèce. Au cours d'un précédent bras de fer fin 2012, les Européens avaient arraché le soutien du FMI en promettant un geste sur la dette grecque qu'ils ont, depuis, reporté à des jours meilleurs.
Mais, le temps presse pour le FMI et sa crédibilité.
Le Fonds, qui ne peut en théorie prêter à un pays que si sa dette est jugée viable, avait dû amender ses règles pour débourser une aide-record à la Grèce (48 milliards d'euros promis au total), suscitant des grincements de dents en interne.
"Le sort spécial réservé à la Grèce a alimenté la frustration de pays émergents qui considèrent que c'était inéquitable", explique à l'AFP Desmond Lachman, ex-cadre du département Europe du FMI.
Aujourd'hui, le Fonds veut tourner la page et exige l'engagement formel des Européens d'alléger la dette grecque, sans quoi il ne déboursera plus d'argent frais à Athènes.
L'enjeu est également considérable parce qu'Athènes pourrait ne pas rembourser les quelque 1,5 milliard d'euros dus au FMI d'ici au 30 juin, au risque de saper la réputation de l?institution.
"Le FMI pourrait être le premier à perdre de l'argent et fait tout pour préserver ses ressources", analyse M. Montanino, aujourd'hui chercheur à l'Atlantic Council de Washington.
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