Dans une ambiance qui s'annonce houleuse, Manuel Valls va engager mardi après-midi à l'Assemblée nationale la responsabilité du gouvernement pour permettre l'adoption sans vote en nouvelle lecture du projet de loi Macron, pressé d'en finir avec un texte qui continue de diviser à gauche.
Le Premier ministre annoncera vers 17H00 aux députés qu'il recourt à l'article 49-3 de la Constitution, interrompant ainsi dès le premier jour les débats sur le projet de loi "pour l'activité, la croissance et l'égalité des chances économiques" du ministre Emmanuel Macron, qui devaient durer jusqu'au 24 juin avec l'examen de plus de 1.000 amendements.
Le texte sera considéré comme adopté en nouvelle lecture en fin de semaine, à moins que le gouvernement ne soit renversé par une motion de censure, ce qui semble exclu. Le texte repartira ensuite au Sénat avant d'être définitivement adopté par l'Assemblée.
Cette adoption définitive devrait intervenir avant le 14 juillet, a indiqué le président François Hollande mardi matin à des investisseurs étrangers, et de nouveau grâce au 49-3, selon un porte-parole des députés socialiste, Hugues Fourage.
L'exécutif avait déjà eu recours au 49-3 en février, lors de la première lecture, pour parer à l'opposition attendue de 30 ou 40 députés PS hostiles notamment à l'extension de l'ouverture des commerces le dimanche. Mais François Hollande et son Premier ministre avaient alors pris leur décision à la dernière minute, juste avant le vote solennel.
Cette fois-ci, l'exécutif a tranché pour la solution la plus rapide, avant même le débat. "L'objectif, maintenant, après plus de dix mois de débats sur ce texte, c'est d'en arriver à la conclusion", a dit François Hollande, car "on a besoin de ce texte pour avoir davantage de possibilités de croissance et d'emplois".
Recourir au 49-3, "ce n'est pas un acte d'autorité, c'est un acte d'efficacité pour l'économie et pour les entreprises françaises", a dit pour sa part Manuel Valls à la sortie d'une réunion avec les députés socialistes qui a tourné à l'aigre entre les frondeurs et la majorité du groupe.
Dans une ambiance qualifiée de "mauvaise" par un participant, le frondeur Christian Paul a estimé que l'usage du 49-3 était "un échec collectif et une faute politique", et aboutissait à "des dérèglements préjudiciables pour réussir le quinquennat de François Hollande". Un autre frondeur, Pouria Amirshahi, comptait boycotter la séance de mardi.
- Concert de protestations -
Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis a riposté, en déplorant non seulement "un problème de désaccords, mais d'attitude dans le parti", mettant en cause l'aile gauche.
Le rapporteur général du projet de loi, Richard Ferrand (PS), devrait être le seul à s'exprimer en séance après le ministre de l'Economie et avant le Premier ministre. De ce fait, aucun représentant des autres groupes politiques ne pourra s'exprimer à la tribune, ce qui a suscité un concert de protestations de leur part et pourrait laisser présager des incidents de séance.
Sans surprise, les chef de file des députés Les Républicains, Christian Jacob, et UDI, Philippe Vigier ont d'ores et déjà annoncé que leurs groupes déposeraient une motion de censure commune, qui devrait être débattue jeudi à partir de 16H00.
Manuel Valls "restera comme le fossoyeur de sa propre majorité" et "devient la caricature de lui-même par ses excès d'autorité et son arrogance", a dénoncé Christian Jacob. "Le travail parlementaire est passé à la broyeuse", a renchéri Philippe Vigier.
Des arguments que ne partage pas le président du Medef, Pierre Gattaz, pourtant souvent en phase avec l'opposition mais qui cette fois a salué un "bon choix" du gouvernement.
Les dix députés Front de gauche vont tenter, comme ils l'avaient fait sans succès en février, de déposer leur propre motion de gauche, contre une méthode et un texte "d'une extrême gravité", selon leur chef de file André Chassaigne. Mais des frondeurs PS ont refusé de s'y associer, au motif que leur but n'est "pas de faire chuter le gouvernement".
Libéralisation du transport par autocar, réforme du permis de conduire, réforme des professions juridiques réglementées (notaires, etc.) pour autoriser une dose de liberté d'installation et tarifaire, etc.: les quelque 300 articles du projet de loi touchent quantité de secteurs. Le gouvernement y a fait ajouter la semaine dernière en commission plusieurs mesures en faveur des TPE-PME, dont le controversé plafonnement des indemnités prud?homales en cas de licenciement abusif.
En faisant jouer le 49-3, le gouvernement pourra en même temps intégrer certains amendements supplémentaires lui paraissant importants et en déposer lui-même sur le texte issu de la commission, notamment un amendement de "clarification" à l'assouplissement controversé de la publicité sur l'alcool et de la loi Evin voté par le Sénat puis en commission à l'Assemblée.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.