"Le jour du bac, j'espère avoir un sujet sur la liberté": le regard d'Haytham s'éclaire. Pour un lycéen matheux comme lui, la philosophie ne pèse pas lourd dans la note finale de l'examen. Mais pour un réfugié syrien, c'est une récompense.
"En Syrie, je devais réciter chaque jour par coeur des citations de Bachar, ou Hafez al-Assad, sans oublier d'ajouter +l'éternel+ devant chaque phrase", se souvient le jeune homme de 18 ans aux yeux profonds et rieurs.
Scolarisé à Paris depuis 2012, Haytham al-Aswad fait partie avec sa famille de la vague de réfugiés syriens fuyant la répression qui s'est abattue sur les opposants au régime, comme son père, enseignant de mathématiques.
"Ici, j'ai découvert la philosophie et j'ai vraiment compris ce qu'était la liberté": comme en hommage au pays des Lumières qui leur a accordé l'asile politique, il ne se plaint jamais des multiples tracasseries rencontrées dans une France hantée par le Front national et la montée des crispations sur le problème des migrants.
En trois ans, Haytham, qui planchera à partir de mercredi sur les épreuves du baccalauréat, a dû mettre les bouchées doubles pour apprendre la langue et se mettre à niveau.
Il commence par une classe dite d'intégration "avec des Ukrainiens, des Indiens, des Coréens". Bien loin de sa ville natale de Deraa, où ont débuté les premières manifestations pro-démocratie en février 2011.
- "Nous n'avions plus peur" -
Ses talents en maths et physique le font remarquer de ses enseignants du lycée Balzac. Et en 2013, il entre en Première S.
Avec une moyenne de 19/20 en maths et 14 en philo, il vient de recevoir, avant même de passer le bac, son admission dans une prestigieuse classe préparatoire aux grandes écoles scientifiques. Son rêve: devenir chercheur ou "travailler dans l'espace".
Seul de sa famille avec son jeune frère à parler le français, il est chargé de débrouiller la plupart des problèmes du quotidien: Rendez-vous à la préfecture, abonnement EDF, auxquels s'ajoutent deux heures et demi de trajet quotidien entre son lycée et l'appartement familial en banlieue-sud.
Sur sa nouvelle vie, il s'enthousiasme de faits minuscules mais symboliques: "Ici, on élit le délégué de classe. En Syrie, il est choisi par le prof et il devient l'espion, celui qui dénonce". "Ici, on apprend à comprendre, là-bas il fallait juste apprendre par coeur".
De Deraa lui manquent sa maison, occupée par la police, son citronnier, et sa "vie d'avant". Ses amis surtout: Les vivants et les morts. Un de ses cousins a été tué dans un bombardement. "J'ai longtemps pensé que cette guerre allait finir, maintenant je n'ai plus d'espoir que cela se termine bientôt", se désole-t-il.
La première fois qu'Haytham a participé à une manifestation, le 18 mars 2011, les gens de Deraa protestaient contre la mort de deux garçons du même âge que lui, accusés par la police d'avoir écrit "Liberté, Bachar dégage, Syrie Libre" sur le mur d'une école.
"J'avais 15 ans, ma mère ne voulait pas que je manifeste, mais j'y allais quand même", dit-il. "A l'époque, nous pensions que notre pays allait se libérer, nous n'avions plus peur".
- "Manipulés par la propagande" -
Son père, recherché pour son militantisme, a dû fuir, d'abord en Jordanie. Puis en France. Sa mère a alors été inquiétée par la police. S'en est sortie en jurant qu'elle avait divorcé. "Ils ne pouvaient pas vérifier, les archives du palais de justice avaient brûlé", sourit Haytham. Puis la famille a rejoint le père.
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